CaCesthesia
de Guy Kermen,
aux éditions
« Les Ombres d'Élyranthe »
Présentation de l'éditeur :
"Températures idéales pour déterrer un cadavre. En tout cas, ce sera plus facile que la dernière fois. Se laver les mains lui repose l'esprit. Frotte les paumes et la tranche de bas en haut, le contour des poignets. Contemple la mousse savonneuse avec béatitude. Puis rince ses mains trapues d'homme rustre dans une bassine d'eau brûlante." Des récipients du péché, extrait. Trente-et-un récits pour découvrir toute l'horreur cachée derrière nos façades.
Qu'elle soit fantastique, futuriste ou bien ancrée dans nos réalités, elle se niche partout, prête à surgir et à nous happer. Trente-et-une façons de côtoyer la mort en compagnie de monstres de légendes, de personnalités illustres, ou de quidams banals. Trente-et-une visions sans aucune illusion. Des années de lecture et de cinéma de genre ont profondément marqué le style de Guy Kermen, le poussant au fil du temps vers une écriture sèche, directe, qui frappe en plein coeur et vous emporte avec elle dans les tréfonds de l'âme humaine.
Cacesthesia : sensation morbide. Et vous ? Comment vous sentirez-vous au bout de cette descente en enfer ?
Article :
Troisième parution pour la jeune maison d'édition franco-belge, avec le second membre fondateur du forum « L'Écritoire des Ombres », Guy Kermen. Sous divers pseudonymes, Guy Kermen a publié trois romans, «Bayou » et « Night Stalker » aux défuntes mais déjà mythiques éditions « Trash », puis « Héca-Tomb » chez Zone 52, ce qui signifie que le monsieur n'en est pas à son coup d'essai, ni qu'il fait dans la dentelle !
Derrière ce titre intrigant se cache un recueil de trente-et-un courts récits, qui résument la carrière littéraire d'un auteur aux multiples visages. Nous découvrons donc un grand nombre de nouvelles qui touchent un petit peu tous les genres, à condition qu'ils soient « mauvais » : le fantastique, la science-fiction, l'horreur le thriller ou l'épouvante. Il s'agit d'une promenade – éprouvante parfois – à travers des thématiques variées : un soupçon de science-fiction, une touche de Gore, une grosse louche d'épouvante et de terreur, le tout macéré dans un fantastique de bon goût. Mais on sent que les petits préférés de Guy Kermen restent les tueurs en séries, qui a déjà évoqués dans « Night Stalker », et dont il ne semble pas se lasser.
Cet auteur n'a pas son pareil pour se glisser dans l'esprit malade des assassins compulsifs, et je gage que, dans sa bibliothèque, les biographies de John Wayne Gacy, de l'étrangleur de Boston ou de Edward Gein sont plus consultées que celles de Gandhi ou de mère Thérésa... Fasciné par les États-Unis et admirateur de Stephen King, Guy Kermen explore souvent les aspects les moins reluisants de ce pays, et nous propose des rencontres avec des spécimens d'humanité peu fréquentables. Mais là où l'auteur à succès du Maine tartine des centaines de pages parfois inutiles, parfois étouffantes, souvent bourratives, Kermen brosse des instantanés rapides, des « flashes » brefs et percutants, aptes à créer le malaise chez le lecteur. Ces petits portraits de tueurs, ces courtes incursions sur les « territoires de l'inquiétude » du fantastique sont autant de coups de projecteur sur une autre face de la réalité, et l'accumulation de ces éclairages suffit à créer un style propre.
Le style, parlons-en. Guy Kermen sait raconter une histoire, et en peu de mot, ce qui se révèle bien plus difficile, en définitive, que de s'étaler dans de longues descriptions introspectives. En quelques phrases sobres et rythmées, il parvient souvent à installer une atmosphère trouble, malsaine. Ces ambiances, cette ambiguïté entre réalisme et surnaturel sont l'essence du fantastique, loin de certains effets grand-guignolesques à la mode de nos jours.
C'est donc une bonne initiative des « Ombres d'Élyranthe » d'avoir œuvré pour que ces nouvelles sortent des forums Internet où elles étaient archivées pour être diffusées plus largement, en espérant qu'elles trouvent un public avide de vrai fantastique.
Serge Rollet
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