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Site sur la Science-fiction et le Fantastique

Le Téméraire


 

 

I ) AU BATEAU.

 

I1 se souvenait _maintenant...

 

Il avait ouvert la fenêtre. L’air était chargé de lourds parfums  qui venaient, de la Mer. Tandis qu'une lumière intérieure semblait lui éclairer le visage, ses narines dilatées se mirent à palpiter, comme si une vie supérieure s’était emparée de lu i .

 

Ouvrant une armoire, il se saisit d'une chemise de soie blanche, d'un pantalon  noir et mû par, une inspiration soudaine s’entoura la taille d'un foulard rouge qu 'il avait coutume de se passer  autour du cou.

 

Se jetant un regard au travers du miroir, il se trouve métamorphosé.

 

 

De la  manière  la  plus habituelle il sortit par une fenêtre qui donnait sur les toits. Son acuité visuelle semblait décuplée ainsi que son agilité et quoique seules quelque pales clarté de la lune éclairaient l es toits, il s'y apercevait avec facilité.  Des puissances obscures semblaient le pousser vers la mer qu’il apercevait  au 1oin au travers de l' entrelacs des cheminées.

 

Arrivant à un à  pic du toit, alors qu'il lui fallait quitter  les sommets pour poursuivre sa route, il commença par une descente vertigineuse et termina par un bond assez prodigieux, lui, oui en d'autres temps souffrait du vertige et pouvait tout juste gripper sur un escabeau. Une fois au sol il buta sur un ivrogne goguenard qui écarquilla les yeux, abasourdi par ce qu'il voyait, ne sachant trop s'il s'agissait d'une vision alcoolique.

 

Il se décida, sans trop savoir pourquoi, à éviter le port craignant qu'il fut peu sûr pour lui alors qu'il en empruntât  les ruelles journellement pour se rendre à son bureau, et qu’il aimait ordinairement à y flâner respirant les odeurs venues de gargotes, écoutant la voix des filles et lorgnant la lourdeur de leurs corsage.

 

Il prit, se glissant avec souplesse dans la semi-pénombre craignant qu'on ne l'épie, le petit chemin qu'on appelait " passage des douaniers", et qui se nommait ainsi parce qu'il avait servir dans les temps éloignés aux rondes des douaniers surveillant l'éventuel accostage de vaisseaux contrebandiers.

 

Arrivé à une petite crique qu'il connaissait bien, il ne fut pas autrement surpris de s'apercevoir qu'une barque silencieuse, à demi-camouflée par les herbages l'attendait.

 

Un homme à bord, la figure à demi-dévorée par un bandeau noir tirait silencieusement sur sa vie1le vieille pipe.

 

"Le Borgne" pensa Julien.

« - C'est le Borgne en effet Commandant" dit celui-ci comme s'il avait entendu ce qu'il se disait dans le subconscient de son chef.

 

"Et rudement content de vous voir. On vous croyait disparu depuis ce temps."

 

Julien sauta légèrement dans l'embarcation qui oscilla sous son pied. Cette instabilité lui fit du bien, comme s'il retrouvait ici son vrai élément.

 

"Votre sabre" dit le Borgne, "et votre pistolet"

Il se tata immédiatement. Il les avait oubliés!

"Sans eux vous êtes comme un curé sans sa soutane"

Et le Borgne tira 1e sabre et le pistolet de dessous une cape qui était posée là. L'éclair du métal brilla soudain en même temps que le mince sourire du Borgne. "Intact et en bon état " dit-il.

-- "Dame, Commandant, c'est du métal. Un coup de chiffon et ça brille"

-- "C'est vrai. Et ça ne plie pas sur les crânes.

Je te retrouve avec plaisir ma vieille épée et mon vieux pistolet".

Il eut presque envie de les embrasser, tandis qu'une joie sauva de l’étreignait.

 

Alors que le Borgne souquait sur l’eau noire où dansaient des paillettes scintillantes, Julien se demandait quel pouvait être son age. Certes sa vigueur physique était intacte, son oeil restant brillait d'une vie ardente, et un sourire ébréché se jouait souvent sur son visage... Mais le gris de ses cheveux semblait avoir été poudré depuis bien longtemps par les mains du temps, et son teint tanné par le sel des mers semblait l'être depuis des siècles...

 

Là-bas, au loin, les feux de la ville oscillaient et s'éloignaient comme un décor de théâtre qu'on retire dans la semi-pénombre.

 

I1 entrait par les portes grandes ouvertes sur un monde où l'intensité de, la vie était mille fois plus grande et où la peau vous moulait le corps comme un costume enfin à votre taille.

 

Soudain, au détour de la nuit, apparût la grande masse silencieuse et noire d'un bateau complètement éteint, dansant doucement au milieu de la pénombre tel un rêve au creux d'un crâne.

 

" Le Téméraire" s'exclama Julien avec un étonnement émerveillé à la fois parce qu'il le reconnaissait et qu'il pouvait lire son nom en lettre d’or à demi effacé, tandis qu'ils approchaient à le toucher, sur la coque.

 

Une échelle de corde pendait au bastingage.

 

" Après vous, Commandant ». Et Julien escalada l'échelle avec une souplesse et une vigueur qui lui ravit l'âme.

 

C'est avec recueillement que Julien posa le pied sur le pont. En jetant un oeil autour de lui, en touchant les cordes et les bois, en respirant la narine dilatée, il éprouva le plaisir qu'on éprouve lorsqu'on retrouve les parfums et les formes d'un corps aimé perdu depuis longtemps.

Le Bosco qui était déjà sur ses traces alluma quelques lampes.

Tout était enfoui sous une épaisse poussière qui semblait s'être accumulée depuis des siècles. Ça et là des hommes d'équipage gris et livides sous les lampes, eux aussi recouverts de poussière paraissaient ainsi depuis des temps immémoriaux. Ils venait d'on ne sait où et quelque désastre inconnu semblait le avoir surpris ici tel qu'ils se trouvait alors. Et c'était comique et grave tout à la fois.

 

Le Bosco examina les hommes d’équipage les uns après les autres d'un air dubitatif en leur collant sa lampe sous le visage. Pas un signe de vie n'apparaissait : ils ne respiraient point et, leurs regards étaient fixes.

 

" Ça ne va pas être facile, Commandant. Ca ne va pas "être facile avec ces gaillards. J'ai peur qu'ils ne soient rouillés.. Depuis c e temps. "

 

Le Bosco esquissa un geste et une mimique empreinte de pessimiste.

 

Ils descendirent avec respect à l'intérieur du bateau, le Bosco précédant avec son fanal le Commandant, comme s'ils visitaient les entrailles de quelque mammouth géant conservé intact par les glaces depuis des siècles.

 

Avec un bruit sec, le Bosco poussa la porte qui accédait au carré des officiers. Quatre officiers semblaient avoir été figés comme des statues tandis qu'ils étaient en train de deviser avec animation. L'un faisait le geste de bourrer sa pipe, le bras de l'autre était bloqué tandis qu'il se versait du vin. La bouteille était à demi inclinée, mais dans le fond du verre  poussiéreux i1 ne restait qu’une trace noirâtre -.Un jeune blondinet à l'uniforme soigné tripotait ses boutons d'uniforme du bout des doigts, tandis que son regard bleu semblait fixer le lointain.

 

" L' élégant, C'est l' élégant" dit Julien avec un sourire amusé ;Julien avec sourire amusé. Toujours soigneusement vêtu, sa devise était de l'or et des femmes." Et ajoutait-il "si nous avons de l'or et pas de femmes nous finirons bien par en trouver."

 

Donc « de l'or » était suffisant.

 

Julien avec la crosse de son pistolet frappa un gong qui se trouvait sur un bahut. A cet instant on pu voir que quelque chose se passait dans les corps, et lentement comme dans un songe la vie fit sa réapparition. Et dans les regards on eût l'impression que défilaient des séries de souvenirs, que la mémoire revenait du passé, comme un nageur remonte de l'eau.

 

Dans le silence sépulcral, on entend le bruit des souffles qui renaissaient, on vit le poitrines regonfler  expirer.

 

Les officiers écarquillèrent les yeux comme au sortir d'un long rêve.

 

" Messieurs" dit Julien comme s'il poursuivait un dialogue amorcé depuis longtemps, nous faisons route vers les Antilles espagnoles et nous tenterons d'alléger au passage sa Majesté le roi d'Espagne d'un galion chargé d'or. Nos bourses sont si vides qu'elles en pleurent de tristesse. Le Dieu des coquins puisse-t-il nous être favorable

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