Le Téméraire (3)
Comme le soir commençait à tomber, « Gueule d'or » le second, proposa d'organiser une petite fête pour célébrer une nouvelle victoire de la flibuste sur le Très catholique Roi d’Espagne. Ceci était d'autant plus facile qu,e les cales s' étaient trouvées remplies providentiellement des meilleures victuailles et des vins 1es plus délicats.
Julien accepta, mais il fit transférer dans les réserves du "Téméraire" une grande partie des vivres voulant éviter un trop grand gaspillage, sachant ce que étaient capables de foire les hommes une fois ivres.
L'ambiance était d'une très grande gaîté. Déjà certains se mirent à. chanter, tandis que d'autres sortirent de vieux instruments pour les accompagner. Ces chansons qui parlent de flibuste, de voiles et d'amour et de mort. Tout ce qui remplit la vie des hommes qui, naviguent et rêvent aux femmes lorsqu'ils sont à bord et aux contrées lointaines lorsqu'ils sont à terre....
On organisa même un bal dans les plus belles cabines du bord, les pirates ayant revêtu des habits de gentilshommes et tachant d'imiter les habitudes maniérées de ceux-ci. Les demoiselles et les femmes prisonnières, blanches de frayeur, sous l'éclat des chandelles leur servaient de cavalières, affreusement gênées de devoir danser avec ces rustauds qui ne connaisaient rien à leurs moeurs et qui leur écrasaient les pieds ou les bouscuIaient en tentant de virevolter avec la grâce de jeunes éléphanteaux.
Appuyé à un coffre, l' » élégant » somptueusement vêtu d'un costume qu'il avait du qu’il avait dérober au fond de quelque armoire mais dont on ne saurait1ui en faire grief, tant il le portait à ravir, faisait la cour à sa belle inconnue. Et l'on voyait bien qu'il n'était pas sans lui inspirer quelque attrait, quoique les traits de la belle respiraient l'effroi.
Julien croisa le Bosco qui avait, du mal à tenir le cap.
" Alors à-t-on trouvé l'âme soeur, Bosco" interrogea Julien ?
« - A plus de 250 ans on ne peut plus faire des prouesses d'amour, les cartouches ont de la peine à s’enflammer".
Répartie qui eût pour effet de faire rire Julien. « N’empêche esprit de l'homme à amour pense toujours » songea le capitaine. C'est lié à l'humaine condition. Et le pirate lui-même au plus fort du combat rêve à lit doux et à présence féminine, et les plus courageux d'entre eux ne sont souvent que de bien faibles enfants face à l'amour. Peut-être au fon que l’amour et la mort sont comme deux soeurs folles unies qui se tiennent la main et se baisent la bouche, deux faces de la même chose.
" Vieux fusil peut péter aussi bien que fusil neuf, Bosco" répondit cependant Julien citant un vieux proverbe de la piraterie. Celle-ci était riche de sentences issues de ces hommes rudes, mais non dépourvus d'une certaine sagesse née au contact de différentes aventures aux quatre coins du globe.
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Le lendemain matin, par un temps radieux et pimpant comme un baiser de jeune fille de quinze ans, il fut décidé de laisser ici le galion après l'avoir garni de mines pour qu'i1 sauta quelques heures plus tard, et d'abandonner les passagers sur des chaloupes en leur remettant quelques unes de leurs vivres. +
L’élégant tenta de prêcher une attitude plus humanitaire.
Julien répondit d'un ton qui n'admettait pas la réplique: « si nous les laissons regagner la côte avec leur vaisseau, ils nous dénoncerons aux autorités et on tentera de nous donner la chasse. Nous ne sommes pas en mesurer de résister seuls à la flotte espagnole qui croise en ces eaux. Croyez-vous un seul instant que si EUX nous attrapent nous feraient des cadeaux, Monsieur le bel officier ? Et la cravate de chanvre qui serait la dernière de votre vie pêche aussi bien par son inconfort que car son inélégance, ce qui ne doit pas manquer d'impressionner un homme de goût tel que vous. De surcroît il ne me messied pas que le "Téméraire" reste une légendé, présent partout et visible nulle part et dont rien que l'évocation du nom série la terreur dans les mers. Une idée plus q'un vaisseau. D'ailleurs c'est plus l'Amour qui vous fait parler que l'humanité. Car si nous nous plaçons du point de vue humanitaire nous priverons l'Espagne de quelques dizaines de fieffés coquins. C’est un service que nous rendons à la population. Ce ne sont que voleurs, fourbes et canailles. Qui ne verserait pas une seule larme sur leur disparition si ce n’est leurs créanciers sans titres de créances.
« Quel est son nom?" ajouta en changeant de ton Julien.
« - Elle se nomme Eléonore, et son âme est pure et noble, comme il n'est pas possible de l’être. Pourrais-je l’emmener avec moi?
Elle m'a promis de vivre notre vie et de ne jamais se plaindre.
"- Si nous faisions ceci, ami, nous serions assaillis par toutes les femmes du bord oui voudraient épouser des marins et jureraient qu’elles en sont tombée: subitement follement amoureuses. Et si chaque pirate estimait aussi avoir le droit d'emmener une femme? Non, cet exemple serait pernicieux. D'ailleurs plus tard tu me remercieras de t'avoir tiré de ces griffes ensorcelées.
Les passagers furent Chargés dans des canots, tandis que de la dunette Julien surveillait l'opération. Il y eût quelques scènes déchirantes, les femmes se jetant aux pieds des marins en les priant de les épargner.
Le prieur du bord lança quelques invectives à l'adresse des pirates, les menaçant des foudres du ciel une fois qu'ils seraient parvenus dans l'autre monde.
" Recommande plutôt ton âme à Satan ton suzerain" rétorqua Julien. Tu en auras grand besoin. Il t'attend en grande pompe." Comme le curé continuait à marmonner et qu'il cracha en direction du drapeau noir à tête de mort, emblème fameux des pirates, Julien sortit froidement son pistolet et abattit le prêtre. Ce fut comme un frémissement qui parcourut l’équipage et les passagers espagnols. Tuer un prêtre était un grand sacrilège et le bandit le plus mécréant hésitait toujours à le faire.
Puis les canots s'éloignèrent peu à peu dévorés par l’Océan.
Le Téméraire (4) - Le blog de Michel Dubat
LE TEMERAIRE 4 III. L' ISLE. Après huit jours d'une navigation sans, histoire, uniquement ponctuée des rites familiers du bord : manger, dormir, prendre le quart on sentit que l'on approchait des...