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Site sur la Science-fiction et le Fantastique

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Articles avec #fantastique

LES QUATRES DAMES ET LE VALET

LES QUATRES DAMES ET LE  VALET
 

 

Un pouce énorme devant un visage gigantesque et boursouflé. Un sourire grimaçant, lourd de pensées menaçantes, avec des dents ébréchées, mais aigues cependant comme des couteaux de pirates. Le pouce énorme gourmandeusement tenait une carte d'un jeu de géant. Il en gardait précieusement la figure tournée vers lui. Enfin, avec un claquement sec, il l'abattit vers l'homme allongé, comme mort.

 

 

  DAME DE TREFLE !



Aussitôt la carte à plat, la Dame parut se lever de la tranche, pivota sur elle-même en se métamorphosant et en s'affinant progressivement , comme l'argile du potier prend peu à peu forme et devient amphore.

 

 

La splendide tahitienne, une vive fleur délicatement accrochée à L'oreille, lui souriait d'un air érotique et bienveillant. Il n'avait jamais remarqué combien en cinq doigts de pied s'inscrivant dans le sable pouvaient être aussi humainement beaux. Belle jusqu'au bout des doigts de pied voulut dire quelque chose pour lui.

 

Quel poète eut pu célébrer ses deux seins aussi savoureux que deux coupes de crème caramel ? Et la ligne de ses reins qui semblaient appeler les caresses comme le port les bateaux ?

 

 

" Douce oiselle, m'es-tu restée fidèle pendant tout ce temps ?" Elle exquissa une mimique qui voulait dire qu'elle avait été sage autant que le climat, l'échauffement des sens et les circonstances l'avaient permis.

 

 

Il considéra qu'il s’agissait là d'un aveu de chasteté suffisant. Il lui prit la main vibrante de chaleur et l'attira vers lui. Elle se laissa faire gracieusement avec la souple raideur d'une belle plante.

 

 

Il sentit à ras de peau son parfum_ riche de soleil, d’eaux salées. Il 1a caressa avec tendresse. Elle ferma les yeux. Le bruit de la mer battait aux oreilles de l'amant avec cadence. Rythme des pulsations du coeur du monde. Un palmier éclatait de sa vitalité en jaillissements verts. C'était le moment propice à l'amour ...

 

 

...................

 

Le monstre la saisit, avec une dextérité délicate de Joaillier dont on ne l'aurait point cru capable, entre le pouce et l'index, par le col, et la retira du corps de l'homme. Puis, d'une pichenette soigneusement ajustée, il l'envoya rouler sur 1a carte à: jouer. Du plat de sa main il l'écrasa contre le carton pour qu'elle y reprenne sa place. Et il remit froidement 1e rectangle dans son jeu.

 

D'un air goguenard il choisit un autre personnage.

 


   DAME DE CARREAU !


La main cette fois fit tournoyer le bristol et une jeune femme blonde enn fut projetée, se recevant sportivement sur ses pieds.

 

 

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Il l’avait connue par hasard à l'une des bibliothèques de Stockholm. Cette bibliothèque qui donnait sur la Place du Parlement, dans cette partie de la ville où l'architecture moderne tordait audacieusement le métal et le verre dans ses pinces artistes et techniciennes.

 

I1 avait frôlé ses longs doigts fins, mais d'une fermeté d'acier tandis qu'ils prenaient tous deux le même livre.

 

C'était - i1 s'en souvenait -: " Le Guépard " de Lampedusa en Italien. Il n'y en avait qu'un unique exemplaire sur le rayon. Elle riait avec ses dents de belle fille saine. Il Lui proposa avec une aisance feinte d'aller le lire tous les deux chez elle. Et il ajouta il ne savait plus quelle banalité sur les plaisirs de la lecture commune. Son oeil bleu parut amusé de la suggestion, la fit tournoyer dans ses eaux profondes. Elle répondit simplement :" Oui- ". Et il suivit par les rues son long blue-jean soigneusement délavé, et son sobre tee-shirt blanc sur lequel était écrit : " free ».

 

 

Sa chambre sous ]-es combles d'un vieil immeuble était bien à son image. Ça sentait bon le bois clair, et l'absence de recoins tortueux. Elle lui avoua franchement que ce qui lui avait plu chez lui d'un coup,, c'était son mauvais accent anglais et son air " paumé " dans la vie. Ils se trouvèrent même une opinion commune, à. savoir que la littérature les aidait à vivre.

 

" Tu veux faire l'amour ?" 1ui demanda-t-elle calmement,

" Il parait que vous Français, vous ne pensez qu'à ça !"

Et sans attendre sa réponse elle fit glisser tranquillement son mince coton par dessus ses épaules. Elle ne portait point de soutien-gorge; et ses rotondités étaient pleines de charmes doux…

 

 

Il allait s'avancer vers elle pour la faire basculer sur la banquette et l'embrasser. Mais elle l’arrêta :" Je ne fais jamais cela avant d'avoir fumé une cigarette et bu une bière bien fraîche. Souvent dans la chose c'est la bière fraîche que je préfère « la galipette."Elle avait dit " galipette " en français, souvenir culturel de vacances dans le Midi, avec une intonation savoureuse.

 

 

......................................................

 

Le joueur sadique souleva la suédoise comme une plume et la mit dans la boîte du Tarot. Tandis qu'elle se cramponnait à la bordure d'une main, elle faisait des signes désespérés de 1-'autre. On put lire dans son regard des multitudes de regrets. Le barbare la poussa d'une légère tape de l'index dans le fond et referma le couvercle.

 

 

Et il continua sa terrifiante partie.

  DAME DE PIQUE !


 

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Les seins vigoureux tressaillaient à- la cadence du pilon qui écrasait le mil. Et cette sorte de danse et le visage de Ta noire étaient pleins de jovialité. Les cris aigus et les odeurs épicées remplissaient ce village baigné de lumières. Elle vit soudain le mâle étendu et se précipita vers lui toute douce.

 

Elle passa les doigts sur les  contours de son visage pour se persuader que c'était bien lui. " Les tam-tam n'ont -point annoncé ton arrivée ?" lui déclara-t-elle. " Je croyais que tu ne reviendrais jamais. Viens-tu vivre ici définitivement ? 0 j'aimerais tant ! "

Il ne répondit point à la question. Bien sûr qu'il aurait aimé passer le restant de ses jours en ce lieu.

 

Il l’attira dans la case ... Elle comprit ce qu'il voulait : elle vibrait du même désir. I1 y a si longtemps qu'ils attendaient ces retrouvailles. L'air à l'intérieur était rempli de senteurs lourdes. Leurs effluves éclatant sous la chaleur multipliaient leurs ardeurs ... Il mit la main sous le mince pagne, au creux de sa chaleur moite...

 

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Un jet puissant renversa et la femme et la case, d'un seul coup:.  

  DAME DE COEUR !

 

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«  Très honorable maître, ta servante l'indigne Mitsoucko, se permet de te demander de bien vouloir accepter de prendre le thé avec elle dans son humble maison ... "

 

Et 1e kimono bleu somptueusement constellé de points d'un beau jaune doré, s'inclina profondément. La Jeune japonaise était toute politesse et délicatesse. Un large sourire constamment présent éclairait son visage. Un sourire un peu artificiel, un peu trop éduqué et apprêté. La peau dans l'échancrure du vêtement paraissait douce et tendre comme une pousse neuve de bambou.

 

Il était assis en tailleur sur le tapis tandis qu'elle se livrait à la longue cérémonie de la préparation du thé. Véritable office religieux venu du fond des âges, et dont le rite avait été précieusement conservé par des mains pieuses.

 

" Cette fois tu ne m'auras pas !" dit l'amant trop souvent floué à l'adresse du magicien mystérieux. " Je limiterai au maximum les préliminaires. Car lorsque tout parait en excellente voie, tu viens tout briser par ton intervention intempestive. "

 

Et il sauta, d'un bond de judoka, sur la Prêtresse de  la feuille sacrée, à demi accroupie qui se demanda, offusquée mais digne, ce qui Lui arrivait. Son épiderme dégageait un parfum frais et envoûtant.

 

Elle ne le repoussait pas vraiment, car il était évident que 1-'idée de lui prêter partie de sa couche ne lui répugnait aucunement, mais le moment en était incongru. " Bois de ce breuvage, il a des vertus aphrodisiaques reconnues ... " ajouta-t-elle sentencieusement avec sa voix aux intonations flexibles.

 

" Je boirai de ta tisane après ... " Et l'amoureux pressé continuait de la caresser avec insistance. Elle allait sans doute succomber à ces rudes moeurs occidentales ...

 

 

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Mais une nouvelle carte tomba.
  LE VALET DE COEUR !

 

Lahire pouvait-on lire sur le carton. Les lettres de Lahire se mouvèrent seules et constituèrent HILARE. Et l'on entendit un gras rire. Les lettres bougèrent encore, animées d'une sorte de frénésie infernale. Cela redevint Lahire. La première syllabe se mit en queue. Hirela, le E vola comme un danseur par dessus la tête des autres, et se plaça avec adresse derrière le H.

 

 Heirla. Les deux dernière lettre firent un chassé-croisé . Et le mot devint HEIRAL.

 

C’était le nom de l'homme qui dormait .., et qui se réveilla alors en maugréant !

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Sardonica (21)

 

Ensuite sans trop savoir pourquoi, je me mis à parcourir au hasard les rues de cette ville qui autrefois avait été une des lumières de la civilisation, un exemple des beautés de ce monde. Aujourd'hui elle était dévastée et peuplée seulement d'une petite partie de ses habitants qui tentaient de fuir les soudards ivres.

 

Je ne rendais peut-être pas bien compte du danger, car j'aurais pu nourrir cent fois, victime des coups qu'échangeaient les guerriers aux portes des tavernes, ou de ceux d'un ennemi encore embusqué et voulant tuer de ses conquérants haïs le plus qu'il pourrait. .. .

J'aurais pu nourrir sous la dent des chiens. En effet des bandes de molosses livrés à eux-mêmes hantaient les ruines, comme des loups affamés à la recherche de cadavres qu'ils dépeçaient férocement en se disputant les meilleurs morceaux avec hargne. Il arrivait que leur victime n'était point encore entièrement morte, tandis qu'ils déchiquetaient ses chairs avec des bruits de mâchoires.

 

L'un de ces détrousseurs vint même jusqu'à moi, en me regardant dans les yeux. Il me suivit quelques instants, comme si i1 voulait ne narguer, me donna un coup de museau sur la cuisse, peut-être amical, peut-être agressif, je ne sais. Puis voyant que je restais calmes, i1 disparut soudain, rejoignant sa meute.

 

Mais je n'avais pas peur, pensant peut-être inconsciemment que j'étais protégé par le halo de la Comtesse ou bien ne craignant plus rien de la mort, baignant dans une espèce d'atonie bizarre et d'ivresse particulière.

 

Amère réflexion que je fis sur le Destin dans cette nuit claire de pleine lune, martelant de mes pas sonores le sol luisant du pavé. Le Pouvoir était aux mains des barbares destructeurs et tous les penseurs du monde n'y pouvaient rien.

 

Belle cependant était la nuit et ses mystères, et douce à mon coeur. Elle avait toujours été ma compagne des mauvais jours, adoucissant mes plaies. Et i1 me plut à rêver ce que serait pareille nuit avec Sonia en d'autres temps, nous promenant main dans la main sous les clartés laiteuses du ciel, son visage contre le mien, sa bouche contre ma joue et sa voix tantôt tendre tantôt doucement ironique à mon oreille. Je me demandais aussi ce qu'elle était en train de faire et ce ã quoi elle pensait en cet instant, ma douce fiancée.

 

Je traversais ce paysage baroque, comme en un rêve éveillé, au milieu des décombres et des morts entassés.

 

L'arrivée du petit matin me désola, je ne saís pourquoi.

Alors je rentrai aux anciens appartements des seigneurs du lieu. Nous nous les étions appropriés en vertu du vieux droit de 1a guerre, le droit du plus fort, qui est en fait 1e Droit fondamental. J'interrogeai l'un des gardes au sujet de l'emplacement de ma chambre.

 

I1 avait un de je ne saís quoi de narquois dans l'expression en me désignant celui-ci, qui ne me plut guère. Pour un peu j'auraís sorti mon poignard de sa gaine et j'aurais frappé.

 

Aussítôt introduit dans une vaste chambre qui de par ses dimensions et son apparat devait etre celle de Sardonica, je compris bientôt de quelles allusions il s'agissait et je ne pus qu'en reconnaitre la légitimité. Seule une couchette d'étoffe luxueuse avait été míse 1à pour me servir de lit ou plutôt pour 1e faire croire.

 

Je me jetai sur се coussin sans nul doute peu fait pour y dormir. Et je fis semblant de m'assoupir alors qu'une secrète terreur mêlée d'un curieux bonheur faisait battre 1e sang à mes tempes.  

 

O j'allais enfin connaìtre l'amour avec Celle que je désirais le plus...

 

Sardonica arriva quelques instants après apparemment fort excitée et recrue de fatigues. La journée avait été rude et celle de demain le serait sans doute encore. ...

 

Elle ne parut pas jeter un regard au corps du jeune homme effondré, tout a à ses préoccupations et se jeta elle aussi sur son lit, entièrement vêtue. Sans en avoir l'air j’observais tous ses gestes et écoutais tous les craquements que ses déplacements communiquaient à 1a couche.

 

Mais quelque chose semblait lui manquer, car elle se retournait en tous sens sans pouvoir trouver 1e sommeil.

 

« Dora-tu ? » me demanda-t-elle soudain.

J'ouvris grand les yeux. 

« Non, je faisais semblant. »

- « Tu n'as sans doute jamais été avec femelle dans ton couvent ? »

 - « Non jamais. Et de plus avec vous.... »

Je ne terminai pas ma phrase, ne voulant pas lui  avouer que par certains aspect, elle m’effrayait.

 

-«  N'ai pas peur,  viens auprès de moi » me dit-elle d'une voix langoureuse. J'avais envíe d'y bondir, mais mes muscles refusaient d'obéir.

 

Ce fut plus 1a soumission à mon Seigneur qui me donna la force de me rendre jusqu'à son lit que mon désir pourtant très fort de copuler avec elle.

 

 « Laisses voir que je te touches» me dit-elle sans plus de préambule tout en me triturant et en me lèchant à petits coups de langue comme pour me goûter.

 

J'étais dans le ravissenemt et 1e comble de l'horreur et je n’osais trop rien faire, pas plus que je n'avais envíe de lui résister. Elle ota ses lourdes peaux pour apparaître revêtue d'une mince soie.

 

Puis pris par l'enchantement  je me mis moi aussi à devenir actif aux jeux de l'amour, et à y prendre grand plaisir, en oubliant le reste. J'aimais à caresser ses formes fermes et douces tout à 1a fois. E11e résistait avec science à mes entreprises tímide pour découvrir ses seins magnífiques que j'avais souvent imaginés, ou parfois aux hasards de ses gestes entrevus.

 

Elle fit glisser lentement sa soie qui crissait sous ses oncles.

« Ne sois point si impatient, i1 ne suffit pas d'arriver à 1a ville, i1 y a tout 1e voyage. »

 

Et elle menaít 1a lutte de ses mains expertes, tendre et cruelle à 1a fois, griffant ou donnant un coup de dent, puis carressanit et suçant pour atténuer 1a blessure. Et, ses grands yeux pleins de lumières chatoyantes, baignés d'une certaine tendresse, se remplissaient de moí, et me remplissaient d'eux.

 

Son âcre parfum exacerbé par 1a chaleur de son corps montait en mois par vagues entêtantes et me remplissait comme une mer.

 

« Viens maintenant ! » me dit-elle haletante, sa bouche contre la mienne. Et elle écarta ses cuisses où je pénétrais avec une ardeur maladroite et d'où sortait un parfum encore plus sauvage que celui qui flottait sur sa peau.

 

Je me rappelle de notre allètement à l'unissson, et pour finir des petits cris de jouissance qu'elle poussa; puis celà se transforma en une sorte de rite sauvage et animal tandis que sa queue redevenue vívante tentait de se contorsionner de bonheur.

 

O l'avoir sous moi ainsi !  Moment d'indicible bonheur !

 

Il  était grand jour, le soleil brûlait déjà la terre, lorsque nous rompîmes notre étreinte.

 

(A suivre)

 

 

 

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SARDONICA (20)

 

I1 me souvient si fort de ce passé mort que je me demande si je ne 1e vis pas encore réellement.

 

Le temps était lourd et 1a chaleur épaisse. On suait sous les uniformes et les cuirasses. Les escouades de cette armée étaient frémissantes comme autant de meutes de chiens pretes à 1a curée : 1e bestialisme qui sommeillait en l'homme ne pouvait plus se dissimuler.

 

On amena couchées les tours de bois, tirées par des groupes de chevaux, aux pieds des murs. Et on dressa soudainement ces constructions en l'air. Aussitôt, de leurs sommets, des archers bandèrent leurs arcs et tirèrent des volées de flèches, tandís que des catapultes bombardaient 1a place aux moyens de projectiles de toutes natures, tous plus abominables les uns que les autres.

 

0n conduit à l'une des énormes portes quelques éléphants qui arnachés à un énorme bélier se mirent sur les étranges injouctions de leurs conducteurs à enfoncer les lourds battants. Puissants et intelligents animaux í1 y parvinrent irrésistiblement malgré les nombreux traits piqués dans leur peau qui les rendaient plus furieux qu'ils ne les arrêtaient, et dont ils tentaient de se débarrasser comme si il s'agissait de tiques.

 

Aussitôt notre armée s'engouffra dans cette brèche comme 1e sang jallit d'une veine perforée. Les assaillis, tant bien que mal tentèrent de se regrouper et d'empêcher l'entrée de nos soldats en se battant sauvagement au corps à corps.

Ils ne 1e purent.

 

Et ce fut une lente progression à trayers les fortifications qui s'effectua avec son affreux carnage tandis que nos adversaires se défendaient pas à pas sachant bien que de toutes façons les troupes de Sardonica ne feraient pas de quartier et qu'au bout du compte i1 n'y avait que 1a mort qui les attendait en grimaçant.

 

Cette bataille dans 1e crépuscule qui noircissait de plus en plus avait quelques chose de saisissant : 1e hennissement des chevaux nerveux, 1a brillance des métaux, cette rumeur sourde et chaude à nulle autre pareille. Et pendant que se jouait 1a vaste scène, une sinistre musique l'accompagnait : celle des cris des blessés sur des tons divers, continuellent. Ces cris sont encore ea moi et me font encore frémir aujourd'hui.

 

Quand une bonne partie de 1a troupe eut nétré dans 1a ville, Sardonica, sa Garde personnelle et sa suite ( dont je faisais partie ) entrèrent à leur tour. La Cité nous a apparut comme aussi immense et riche qu'on nous l'avait décrite auparavant.

 

Cependant ça et 1e combat se poursuivait encore. Mais on voyait bien que l'ennemi était irrémédiablement défait, quoiqu'il réussissait tant híen que mal à se cramponner à quelques derniers bastions, faisant encore quelque illusion sur ses capacités de résistance et luttant avec l'énergie du désespoir....

 

Annonçée à sons de trompette par des héraults chatoyants, l'apparition de Sardonica, entourée par ses panthères excítées par l'odeur de 1a chair et du sang, prêtes à bondir, avait quelque chose d'extraordinaire et de superbe à la fois. Et les gens de la ville encore vivants écarquillaient les yeux de voir s’avancer pareil soleil noir semant 1a mort, sa lourde épée à lame brillante à 1a main...

 

Soudain un groupe de guerriers faisant írruptíon du recoin d'une ruelle, se rua sur nous en poussant d'horribles cris de guerre. Ils réussirent à briser 1e cercle de 1a Garde personnelle de 1a Comtesse et furent bientôt  sur moi et sur Sardonica.

 

Nous fises face seuls à nos ennemis pendant de brefs instants qui me semblèrent pourtant ne jamais devoir finir. Les panthères appelées par leur maitresse qui ne leur parlait pas, mais poussait des plaintes rauques comme celles de ces bêtes revinrent rapidement et sautèrent et sur les chevaux et sur les cavaliers, déchiquetant les plus proches de leurs griffes et de leurs dents en poussant des hurlements.

 

« Braves créature ! » dit Sardonica, satisfaite de ses féales. Puis 1a Garde ayant réussi à se reformer encercla nos assaillants et mít rapidement en pièces ceux qui restaient encore en vie.

 

Quoique couverts d'éclaboussures de sang nous nous n’avions aucune blessure. J'avais conscience de m'être assez vaillamment battu pour un débutant au métier des armes. D'ailleurs Sardonica un peu plus tard me dira qu'elle était fière de moi. L'émotion qui devait se lire sur mon visage n'avait envahie et c'est un peu en balbutiant que je m'adressais aux officiers qui venaient me féliciter pour mon courage et ma présence d'esprit. Peut-être aussi qu'ils voulaient se mettre en bons termes avec un favori de 1a Comtesse dont ils pourraient avoir besoin plus tard.

 

Tout à coup je vis ce spectacle incroyable. Un homme à terre geignaít encore et perdait son sang en abondance. J'avaís noté 1a progressive animation des traits de Sardonica, comme à 1a chasse. Soudain n'en pouvant plus, telle une bête elle sauta à bas de sa monture et se rua sur cet homme. Et à pleines mains, 1a tête plongée dans son torse à demi entrouvert, se mit à lui dévorer les entrailles avec une délectation sauvage et une fureur extrême, alors qu'on entendait les råles horribles de la victime.

 

Puis à quatre pattes, elle se mit à courir en tous sens, bondissant ici, donnant là un coup de patte, tranchant ailleurs une gorge d'un coup de griffes comme avec un rasoir, se vautrant dans 1e sang avec une jouissance extrême. .. J'aurais voulu l'arrêter; mais un de mes jeunes amis officiers m'en dissuada : « dans ces moments là elle ne reconnait personne, mieux vaut la laisser faire jusqu'à ce qu'elle se calme. »

  

La panthère qui était en elle reprenait alors le dessus.

 

Puls elle s'arrêta, s'accroupit sur ses membres antérieurs avec une extrême souplesse,leva son museau       et se mít à pousser des hurlements de panthère . Ce qui avait été son joli visage était métamorphosé et prenait des caractères de l'animalité. Les autres panthères se groupèrent autour d'elle en un cercle, se mirent à miauler à l'unisson en dírection du ciel, comme pour faire l'offrande d'un sacrifice religieux.

 

Je ne sais coabien de temps dura cet étrange office face au firmament parsemé d'étoiles et où brillait 1a pleine lune comme une souveraine impavide contemplant 1e monde. Mais je crois me souvenir cependant qu'í1 dura assez longtemps, tandis que dans les rues les combats se poursuivaient et que 1'on entendait la plainte de ceux que tourmentait et les Cris des femmes que l'on violait....

 

(A suivre)

 

 

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SARDONICA (19)

 

Nous parvînmes, avec de grandes difficultés, dans des régions de hautes montagnes où la neige brillait sur les sommets, et se maintenait dans les anfractuosités des rochers et dans les coins d'ombre.

 

Soudain nous vîmes arriver une petite armée dans le lointain qui semblaient se diriger vers nous. Deux où trois messagers s'en détachèrent les lances ornées de plumes blanches. Qui indiquait qu'ils voulaient parlementer avec nous. Leur chef arrivé à la hauteur des premiers soldats déclara qu'il désirait parler à la Comtesse. A ma surprise elle acquiesça.

 

Il avait l'air bien pauvre sous ses vêtements de guerre, rafistolés. Il s'adressa fièrement à la Comtesse. Il précisa qu'il connaissait ses desseins, à savoir conquérir le monde et le transformer en Empire satanique. Il ajouta qu'il était du devoir de tout home de combattre cette intention jusqu'à son dernier souffle.

 

« Mais» lui dit-elle en désignant de la main ses équipements disparates, ainsi que ceux de ses compagnons, dédaigneusement; « Croyez-vous pouvoir me vaincre avec «  ça » ? ».

 

- Je sais que je ne peux vous vaincre, mais il est de mon devoir de vous combattre !

 

- « Entends-moi » dit Sardonica.  « Je ne t'ai que trop écouté. Ton courage et ta folie me sont sympathiques. Retournes vers tes compagnons et fuyez ! Je ne vous ferais pas poursuivre. Il est peut ­être encore des coins tranquilles où tu pueras te réfugier. »

 

Et d'un geste de sa main, elle fit signe à sa garde de s'écarter.

 

« Incroyable homme ! » me prit Sardonica à témoin.

 

Ils rejoignirent leur maigre troupe, la haranguèrent et se dirigèrent avec elle vers nous avec l'intention de nous charger.

Nous les regardions un peu incrédule, un peu admiratifs.

 

Ils furent exterminés et réduits en bouillie par une infime partie de notre armée à coups de flèches et d'épées.

 

Et nous continuâmes notre route. L'objectif en était connu maintenant la rille du Prince d'Orféo, Paviskan. Paviskan, cité renommée pour ses beautés, ses fêtes et ses jolles femmes. Rien que ce nom éveillait chez les hommes des visions lumineuses de pillage, de viols et de lucre....

 

Pavískan nous apparut radieuse au petit matin, après que nous eussions fait route de nuít pour tenter surprendre ses habitants.

 

Le soleil levant blanchissait ses murailles d'une touche caressante et délicate, ce qui semblait constituer comme un hymne à 1a vie et à 1a beauté. L'air était bon et doux à respirer dans nos poumons. Et l'armée scintillait comme une mer que parsèment des éclats métalliques.

 

Aux créneaux et dans ces tours des guetteurs semblaient avertir les guerriers qui se précipitaient en désordre. Bíentôt les habitants se rendraient compte qu'ils étaient pris dans un gigantesque piège auquel ils ne sauraient échapper...

 

 

Aussitôt l'armée telle une nuée de fourmis industrieuses se mit à installer les campements á quelques distances des remparts pour etre à l'abri des jets des assaillis. Ma  tente, plus petite, fut dresséé auprès de celle de Sardonica, comme un petit animal qui cherche refuge auprès de sa mère, craignant 1e monde extérieur et les coups qu'il pourrait lui porter.

 

Par un message, lourdé d'une pierre, que 1'on envoya par catapulte, Sardonica fit demander aux assiégés si ils voulaient se rendre. Dans 1'affirmative elle leur assurait 1a vie sauve. Dans 1e cas contraire elle leur promettait moult sévices et souffrances. Agrès quelque hésitation, par 1e même moyen, í1s répondirent qu'ils préféraient mourrir plutôt que de se livrer lâchement, et qu'ils n'avaient pas grande confiance en ses promesses.

 

Sardonica, furieuse, cracha dans leur direction et les injuria grossièrement.

 

Dès 1e lendemain des groupes de charpentiers protégés par des hommes en armes se mirent à monter de gigantesques tours en bois. Ils les confectionnaient avec des éléments que l'armée tranpsortait dans ses chariots et qui s'assemblaient aisément. Les assíéges essayaient bien de lancer des projectiles ; mais ils étaient trop loin pour faire de sérieux dégats. Tout au plus réussissaient-ils parfois ài toucher un des ouvriers affairés qui se trouvait à découvert. Aussítôt í1 était remplacé, car í1 ne fallait pas que cette mécanique de mort s'arrêtât un seul instant.

 

Les autres soldats vaquaient à de tranquilles activités construisaient de petites fortifications et de petits retranchements comme pour s'occuper l'esprit, cuisinaient des mêts en servant éventuellement de ce qu'ils avaient pu trouver au cours dexpédition pillardes.

 

I1 n'était pas dans les intentions de 1a Comtesse de tenir un siège de longue durée qui permettraítt peut-être a ses adversaires de reconstituer leurs forces et de se liguer contre elle. Mais il ne lui déplaisait pas cependant de les faire baigner dans leur jus autant par tactique que par sadisme.

 

Et c'est au bout de huit jours que Sardonica fit donner l'ordre de monter à l'assaut de la ville; alors que le soir commençait à tomber. 0n sait qu'elle aimait 1a nuit plus que tout et la lueur des feux. ..et ce que recèle de sentiments troubles la nuit.

 

« Aujourd'hui ce seront tes fiancaílles avec Bellonae et si tu te tiens bien tu seras récompensé richement » me dit-elle en me jetant un retard plein d'éclata verdâtres dont je connaissais très bien la signification. Je tremblais à cette idée au moins autant qu' à celle de me battre. Que pouvait-on éprouver à copuler avec Sardonica ? Et pouvait-on jamais s'en libérer après ?

 

Mais í1 fallait d'abord aller se battre et en revenir, marqué du sceau de Dieu a11er propager 1a mort au service du Malin....

 

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Sardonica (18)

Lorsque je me levai à l'aube, jamais je ne vis chose plus extraordinaire que cette troupe déjà en ordre dé formation, s' agitant et bruissant sous le soleil naissant.

 

Formidable et terrible armé, plus importante peut-être que celle d'Hannibal, avec, comme la sienne ses régiments d'éléphants encarapaçonnés de métaux luisants, armés d'éperons terribles, portant des guerriers dans une sorte de petite fortification sur leur dos. Ces éléphants devaient produire un effet de terreur sur les ennemis qui les rencontraient. Ceci pour deux raisons et par leur masse énorme, et par le fait que ces ennemis n'avaient n’avais vu pareils animaux qui vivait habituellement sous d'autres climats.

 

Lorsque vieux moine, je me muets à écrire ceci, ma mémoire semble se déployer en ondes, comme une eau, et les choses par vagues me redeviennent sensibles. Je revois les moindres détails de ce départ pour la guerre avec les chevaux harnachés hennissants, les âcres odeurs, les visages des guerriers farouches sachant qu'ils ne reviendraient peut-être pas de ce voyage belliqueux. Je revois même de tout jeunes gens blancs de peur sous les harnais, pour qui sans doute c'était la première expédition, trembler dans le pâle matin....

 

Et Sardonica fière, terrible, et les yeux luisants comme des brasiers, contemplant sans tressaillir, les traits figés, cette nuée d'hommes en campagne et ce paysage.

 

Puis le soleil commença à éclairer les collines ocre qui semblaient comme provenir d'un autre monde que le notre, sauvage où toute vie était brûlée.

 

« En avant ! »  Cria Sardonica. Et l'ordre fut répercuté par les officiers, courant en un frémissement le long de l'amenée á l'arrêt, comme une onde sur une colonne vertébrale.

 

Le gigantesque monstre articulé s'ébranla. Lâché dans les pays í1 ne connaitrait ni sentiment ni morale, mû seulement par son ordre et sa logique intrinsèque. Gâre à ceux qui se trouveraient sur son passage !

 

Nous parcourumes, durant des jours et des jours les bois et les campagnes, les plateaux dénudés. Nous ne rencontrâmes plus âme qui vive dès que nous fûmes en terrain adverse ; alors que nous pouvions quelquefois trouver encore la table míse et la fumée sortant du toit. Même les animaux semblaíent fuir à l'approche de cette sauvage armée comme mus par une secrète prescience.

 

Cependant, parfois, dans 1e lointain, sous croyions voir des gens qui nous observaient, saus doute pour renseígner l'ennemi et des chevaux. Ils disparaissaient aussitôt que nous faisions mine de nous diriger dans leur direction.

 

Mais ils ne pouvaient qu'aller rendre compte à ceux qui les avaient envoyés de l'immensité de l'armée qui  était en face d'eux et de 1a difficulté de 1a vaíncre.

 

Parfois aussi une eieílle femme était eacore 1à, assise sur une pierre dans ses vieux vêtements rapés. On l'avait laissé parcé qu'elle était une bouche inutile à nourrir et qu'elle ne pouvait plus se trainer, en pensant que sa mort ne serait que de peu avançée. Elle aussi n'était peut-être pas désespérée d'en finir avec cette víe qui ne lui avait jamais rien apporté et qui lui apportait encore moins aujourdh’ui.

 

Mais les cavallers passaient tranquilles en lui jetant un regard impavide. Ils n'avaient nulle intention de 1a tuer. Elle était condamné à nourrir lentement abandonnée de tous et même d'elle-même. Elle avait trop vécu 1a vieille !

 

Et moí, et moí? Je chevauchais au côté de Sardonica très fier d'être son clerc et ne craignant ríen qui puisse m'arriver. Nous étions entourés de ses panthères qui allaient et venaient autour de nous, montrant les dents dès qu'un inconnu d'elles essayait de s'approcher.

 

Je pouvais voir sur son visage sa perplexité face à cet enaemi insaissisable. Ils ne pourraient reculer indéfiniment. I1 faudrait bien qu'ils livrent bataille un jour !

 

Nous arrivames en vue de la première des cités fortifiée de l'ennemi, brillante sous le soleil, aggrípée avec une incroyable audace à un éperon rocheux de la montagne, au-dessus du vide. Elle avait été construite par un ancêtre pillard du Baron de Stabilian sans doute pour mieux détrousser les voyageurs et les pèlerins.

 

Je fis part à la Comtesse -non sans quelque naïveté peut-être- de la grande difficulté d'enlever ce nid d'aigle, ce qui cependant s'avérait indispensable, car il contrôlait une des rares routes d'accès aux terres de nos adversaires.

 

« Nous avons déjà fait le nécessaire » me dit-elle un peu narquoise. Et la colonie continua d'avancer sans qu'apparemment celà entraîna quelque réaction visible des habitants de la forteresse.

 

Chose curieuse, les lourdes portes étaient grandes ouvertes et les deus sentinelles censées les garder semblaient etre écroulées dans un coin. Tandis que nous approchions au petit trot, mon cheval frissonnait d'inquiétude. La tenue de ces deux guerriers paraissait à peu près intacte, mais leurs visages sous les casques semblaient dévastés et les mouches et la vermine se disputaient leurs yeux, seule chose qui apparaissait encore quasiment vivante.

 

« Ne les touches pas ! » me cria Sardonica. Je n'en éprouvais aucune envie. Ils étaient pétrifiés là, les armes à leurs cités, vaincus sans combattre par un ennemi qu'ils n'avaient pas vu venir.

 

Nous pénétrâmes craintivement dans la Cité. Tout n'était que silence morne et dévastation. Ça et là des corps surpris dans les positions les plus diverses, en putréfaction, rongés. On en trouvait même dans les échoppes, au milieu des marchandises qui pourrissaient.

 

On pouvait se rendre compte à leurs attitudes qu'ils avaient tenté d'échapper à la mort, et qu'au-delà de la vie ils criaient encore leurs dégoûts de la mort. Une puanteur effroyable, à faire fuir un porc emplissait ces lieux.

 

Par vagues les soldats entraient à l'intérieur de l'enceinte et la stupéfaction et l'incrédulité se lisaient aussitôt sur leurs visages...

Soudain, sorti d'on ne sait où, apparut 1a seule personne encore vivante du Fort, aussítôt entourée par un cercle de spectateurs surpris et curieux d'en savoir plus. C'était un bon gros marchand que j'avais déjà rencontré au Palais de Sardonica. Il y venait parfois vendre des étoffes chatoyantes, venues par caravanes de 1'Oríent lointain, aux Dames nobles et aux riches bourgeoises. --- Gonflé comme une outre de vin, i1 était curieusement emballé dans une tenue bouffante décorée de riches motifs.

 

I1 salua Sardonica avec une dévotion un peu outrée. Elle 1e regardait de ses yeux verts où jouaient légèrement et le mépris et l'ironie. Je coimnençais à comprendre 1e rôle de cet immonde personnage. ...

 

« J'aí fait ce qu'il avait été convenu. » dít-í1, «J'aí empoisonné les puits la nuít lorsque tout 1e monde dormait»

 

« Tu seras payée »  rétorqua-t--elle,  « ne crains rien »

Elle lui fit remettre par l'un de ses commis un énorme sac d'or. I1 se perdít en remerciements tandis que ses yeux brililaient de convoitise. Elle donna un ordre sec à quelques soldats et l'on vít 1a physionomie et 1'attítude du marchand changer à vue d'oeí1. « Accrochez le à un poteau ! » et se tournant vers 1e marchand qui se cramponnait rídículeusement au sac comme un nauffragé à un morceau de bois elle ajouta: « Tu pourrras ainsi admirer ton or plus à loisir » et sans un autre regard elle le laissa là.

 

Nous ne trouvâmes aucun autre vivant dans 1a forteresse.

Et ayant pris bíen garde de ne rien toucher, nous repartimes au pas de nos chevaux...

 

(A suivre)

 

 

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SARDONICA (17)

 

Bien sûr, la guerre que nous fîmes reste presqu’intacte elle aussi enfouie dans ma mémoire. Ce fut une guerre affreuse, totale et sans pitiés pleines d'horreurs à vous faire lever la nuit en gémissant au milieu des cauchemars.

 

Je me dotais que cela finirait par arriver, puisque je connaissais les buts auxquels Sardonica se préparait depuis toujours. Mais je m'étais habitué à oublier cette éventualité et m'étais installé dans un relatif confort et une certaine quiétude.

 

C'est par un jour des plus ordinaire que Sardonica me convoqua à ce sujet. Elle avait le front soucieux et semblait réfléchir quelque chose de lointain.

 

« Tous les états qui nous entourent sont en train de se coaliser ; ils finiront bien par nous attaquer. Nous devons réagir avant que nous n'ayons leur tenaille autour de la gorge, sinon nous sommes perdus. »

 

-« Comment en sont-ils venus à s'allier, eux si ennemis les uns des autres ? »

 

Je savais en effet que par ses agents Sardonica faisait tout pour entretenir la zizanie entre eux et qu'elle y parvenait fort convenablement. Elle plongea son regard vert où brillaient mille colères dans le mien « Je pense que quelqu'un au Palais les renseignent.... Je découvrirai bien qui il est. Alors i1 ne vivra pas bien longtemps. »

  

« Mais maintenant nous sommes prêts » ajouta-t-elle en changeant de ton. « Et ils verront ce qu'il va leur en coûter de s'attaquer à la Comtesse Sardonica. Ils vont de quelle qualité est le sang qui brûle dans mes veines !! »  

 

« Tiens, regarde, je vais te prouver que ce ne sont pas de simples idées que je me mets en tête ».

 

Et élevant ses mains au-dessus d'une vasque d'eau claire qui se trouvait dans la pièce et la fixant intensément elle fit prgressivement apparaître une image un peu vacillante et de plus en plus nette.

 

Et je vis rassemblés autour du Duc de Prochilian, général renommé et maintes fois victorieux, les seigneurs de tous les pays ennemis. Et je les entendis discuter aprement de la meilleure façon de nous vaincre. Sardonica souriait étrangement à leurs propos qui semblaient incroyablement vains.

 
« Tu ne m'as pas encore battu, petit Baron » répliqua-t-elle à l'un qui avec beaucoup d'outrecuidance exposait  comment réduire cette putain” en deux           jours. ».
« 
Je t'étranglerai de mes propres mains, pauvre vantard ! »
.

Elle retira ses paumes d'au dessus 1a vasque, diminua l'intensité et la concentration de son regard : l'image s'enfuit peu à peu, et bientôt on ne vít plus ríen sur l'eau....

 

« -Quand partirons-nous ? » demandais-je la voix un peu blanche.

« Nous ne pouvons plus attendre. Nous partirons demain aux premières lueurs du jour. Nous allons prévenir  les chefs militaires dès cette nuit pour qu'ils mobilisent  l'armée et nous marcherons sur nos ennemis que nous défairons».

  

Sardonica avait un air sombre et semblait plus se parler à elle-même qu'à moi-même. Je pris rapidement congé d'elle et je décidai d'aller trouver Sonia pour lui expliquer la sítuatíon. Je ne pris point garde de savoir si, je serais vu des habitués du château tant mon émotion était profonde de quitter ma Belle.

 

Je frappai à la porte de sa chambrette le signal que nous avions convenues, quand  nous aurions besoin, l'un de   l’autre et que nous ne  devions utiliser qu'en cas d'extrêne urgence.

 

Elle m'ouvrit blanche d'émotion et de frayeur se demandant, ce qu'il pouvait bien se passer. Elle comprit víte . « C'est la guerre ! » J’opinai, sans rien dire: nos esprits comuniquaient merveilleusement et se comprenaient silencieusement.

 

Elle baissa la tête sérieuse:  « Je savais bien que tu partirais un jour, et que tu mourrais peut-être, c'est ta destinée. C'est la mienne de ne pouvoir bien longtemps être heureuse. ».

 

Je revois encore ses puvres lèvres crispées qui ne souriaient pas, tandis que ses yeux illuminés continuaient à sourire eux malgré tout avec une lueur brillante là-bas quelque part dans le fond, ouverture lumineuse sur son âme.

 

« Je ne t’oublierais pas, je t’assure, même si tu devait mourir ».

- Mais je ne suis point encore mort et je reviendrai !

« -Je l'espère  bien que tu reviendras » me répondit-elle en m'écrasant la main et en m'étreignant.
« 
Je l'espères bien »

«- Et alors nous partirons ensemble. »

«  - 0n dit toujours que l'on veut partir et l’on reste ! » 

« -Nous partirons ensemble et nous vivrons ensemble, ailleurs ! »

 

J'avais l'impression qu'elle avait le coeur brisé et je n'insistai pas.

« Te battras-tu toujours à ses côtés ? »

« - Probablement. Je suís toujours à ses côtés dans la Paix. Il en sera ainsi sans doute dans la Guerre. »

« - Et tu courras et le risque de ta vie et celui d'etre damné pour 1a Comtesse ínflernale. ».

 

Je baissai la tête sans répondre: Sonia avait décoché une flèche juste à l'endroit sensible.

J'aimerais encore assez mourrír aux pieds de ma reine pour son service, lui ayant donné jusqu'à ma vie pour preuve de mon amour insensé et dévorant comme un feu.

 

«Je saís bien qu'elle t'a envouté  » me dit Sonia en me passant son doigt sur son front qui s'était mis  à se plisser.

 

« Je ne t'en veux pas trop. Mais si seulement c'était une autre femme !  Je ne serais que jalouse... ».

 

Il me gênait  avec elle d’aborder ce sujet et de connaitre le vraí fond de mon âme où se débattaient des sentiments contradictoires comme des poissons noirs dans un bosal dansant une danse infernale et tentant de s'entredévorer furieusement.

(A suivre)

 

 

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SARDONICA (16)

 

Il est un épisode de ma vie dont j'ai conservé parfaite souvenance. Mais comme j'en ai terriblement honte, j'ai volonté de le cacher. Il est indigne de mon état de moine.

 

Mais je dois l'avouer pour la complète narration de mon histoire, et pour que l'on sache jusqu'ou je descendis dans l'abîme de l'infâme, et dans l'infidélité à ma religion. Pour que l'on me comprenne et que l'on me pardonne. Tout homme est pêcheur et soumis aux tentations. Et en ce me concerne on conviendra qu'il s'agissait d'une particulière tentation qui eût pu éprouver âme plus solide que la mienne, alors que je n'étais qu'un jeune séminariste lorsque l'on me lacha dans cette antichambre de l'enfer...

 

Un sombre soir d'hiver, alors qu'il neigeait au dehors et que je lisais un livre au coin de la cheminée auprès de laquelle je me pelotonnais précautionneusement, Sardonica frappa lourdement ma porte. Elle entra soudainement, entièrement vêtue de fourrures, de la tête au pied. Le froid du dehors rosissait son visage. Elle me dit d'un air impérieux : « Tu vas enfin participer à ta première messe ici. »

 

« A cette heure-ci Madame ? Mais il est près de minuit ; ce n'est pas l'heure de la messe. »

 

Elle sourit mystérieusement. «  Ici C'est l’heure de la messe. »

 

Je la suivis, sortis dehors et rejoignis un cortège, tout de noir vétu, où je reconnus des  figures familières de l'entourage de Sardonica, mais habillées comme si i1 s'agissait d'un clergé particulier.

 

Sardonica munie d'une sorte de sceptre d'Or prit la tête en me tenant, intimidé, par la main. Les cloches tintaient lugubrement dans la nuit lourde. J'étais rempli d'angoisse et je contemplai par en dessous la mine sombres des officiants complètement métamorphosés.

 

Notre procession parcourut les rues autour de l'église en chantant d’étranges chants latins dont je ne comprenais point la signification. Mais je devinais qu'ils célébraient la gloire du Tout-puissant, mais du Tout-puissant Noir, de Satan pour tout dire.

 

Nous ne rencontrâmes qu'un homme au cours de notre marche, mais il s'enfuit bien vite et disparut terrorisé.

 

Nous devions en effet faire peur à voir avec notre ferme détermination et notre air terrible. Enfin nous arrives à l'église du château.

 

Jetant un oeil aux motifs qui ornaient les murs, je me rendís compte qu’ils étaient en fait fort dissemblables de ceux qui ornait les églises ordinaires, avec d'autres sculptures assez horribles à voir, et, d'autres symboles ínconnus de moí.

 

Nous pénétrâmes par la grande porte par laquelle jaïssaít une violente musique étrange et saccadée que je n'avais jamais entendue. Je trempais, comme les autres, ma main dans le vaste bénitier et fit un signe de croix à l'envers, comme je le vis faire à Sardonica. A ma profonde surprise c'était du sang frais qui se trouvait daas 1a vasque et j'en répandie une petite tache sur mon front. Me tenant toujours par la main, Sardonica me mena à l'autel brillamment illuminé de lueurs tremblottantes.

 

A 1a place du Christ, un  superbe Satan taillé dans un corps noir, un Satan grimaçant et triomphant avec à la main un sceptre d'Or, juché sur uze boule d'Or qui devait représenter notre monde et qu'í1 foulait aux pieds dédaigneusement. Tous nous nous agenouillâmes  devant le Prince des Enfers pendant que mes compagnons psalmodiaient des incantations magiques.

 

Mon oeil stupéfaít allait de Sardonica à la représentation du mon. Il avait la même grâce allongée, une queue comme elle-même,  les mes mains fines et vigoureuses pour saisir comme un piège d’acier,et ce quelque chose d'indiciblequi lui donnait même expression.

 

Sardoníca semblait ímpressionée, pour la première fois de sa vie, et les larmes aux yeux, elle balbutiait des paroles incohérentes: « O toi Grand Prince Noir des Ténèbres. O Toi Divin Prince… », puis elle se releva pour diriger l'office qui allait se dérouler.

 

Je compris víte que j'étais le premier concerné par cette cérémonie. On ne fit revêtir un habit noir d'impétrant, un peu comme celui des autres que lon tira d'un réduit. Et Sardonica me mit face aux autres réunis en cercle autour de l'autel. La lueur des cierges faisait ressortir leurs faces blanches et lugubres.

 

Elle fit une sorte de discours : la résonance des voutes donnait un plus grand pouvoir encore aux sons de sa voix et me terrorisait.

 

Elle me présenta au demi-cercle noir et déclara que j'avais bien secondé le Grand Prince Noir jusqu'à présent en différentes occasions, que je faisais partie de ses officiers, mais qu'aujourdtui j'allais entrer dans le clergé secrêt de ceux qui participent à son culte et communient avec son esprit. Passer du matériel au spirituel en quelque sorte.

 

Sardonica me fit agenouiller devant elle, baiser son sceptre représentant une patte griffue de panthère et jurer trois fois que je lui obéirais fidèlementen toutes occasions, ainsí qu'à Satan; pour sa plus grande gloire.

 

 

Je jurais ce que l'on voulut comme dans un état second, n'ayant plus aucune force pour résister, mais me rendant cependant très bien compte de ce que je faisais.

 

« Mes frères » interrogea Sardonica «désirez vous du frère Dimitri en votre glorieuse Société ? »

 

« - Oui, nous le voulons ! »

 

« - Croyez-vous que 1e frère Dímitrl servira bien notre Eglíse des Témèbres, fidèlement et en tous lieux ? »  

« - Oui, nous le croyons ? » 

 

Elle me posa les mains sur les épaules, me regardant droit dans les yeux de son regard insoutenable.  « Je te déclare entré dans le clergé de Satan. Tâche d'en être digne. »

Et elle me donna l'accolade en m'embrassant. Je me relevai et tout le monde entonna 1e chant à 1a gloire de Satan, divin Maître de l'Obscur et des Ténèbres.

 

Je me trouvais donc moí - Pretre de Dieu -à être passé dans le camp des forces du Mal, et, sans grande résistance... C'était difficile à croire, et tout ceci pour l'amour de Sardonica et peut-être aussi poussé  par mon orgeuil et ma volonté de domination sur les autres.

 

Et nous retournâmes en procession, en chantant, à nos demeures respectives, les gens semblant prendre bien garde à ne point se montrer. Alors que j'arrivais chez moí, Sardonica me murmura à l'oreille: « Je compte faire de toi le Grand Evêque Noir, celui qui commandera à l’ensemble de mon clergé. »

 

J'étais tout abasourdi par cette révélation, moi qui n'avais jamais su exactement jusqu'alors quels étaient lez desseins de Sardonica à mon égard.

 

Et je compris pourquoi elle m’avait choisi dès le séminaire avec tant de soins. Le Grand évêque noir; chef spirituel du clergé infernal....

 

Cette nuit là, je m'endormis avec un sommeil lourd et peuplé de rêves.

 

Je me voyais sur un trône d'or en évêque noir, tantôt faisant des chose extraordinaires, et tantôt endurant de grandes souffrances.

 

(A suivre)

 

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SARDONICA (15)

 

Bientôt une lueur s'alluma dans sa chambre. J'imaginai, et en souffrait atrocement, ce qui devait se passer : les corps nus luttant sur le sol jonché de peaux de panthères, les cris et les caresses, les douces tortures du sexe. J'entendais tout cela à distance à ma grande douleur, curieusement, comme si je me trouvais dans la pièce.

 

Les lumières s'éteignirent. Sardonica apparut à une fenêtre. La noire silhouette du jeune homme passa une porte dérobée. Sardonica, comme je m'y attendais, fit un signe impérieux de sa main. L'un des deux archers sortit de l'ombre et d'une seule flèche abattit le jeune home. Celui-ci ne poussa pas un cri et tomba d'un coup. Ses amis de la troupe, dissimulés sous un porche l'entourèrent bientôt comme une bande d'oiseaux éplorés.

 

Je retournai à la fête. Les baladins saluaient avant de se retirer. Ils emportèrent plus de quolibets que d’applaudissements.

 

Sardonica fut bientôt de retour, un peu plus animée peut-être et le rouge aux joue. Elle reprit sa place, gratta mes cheveux alors drus comme jeunes herbes et porta sa jambe contre mon corps. J'était ravi, quoique désolé par ce qu'il venait de se passer , de ce que j’avais encore une petite place dans ion coeur ; comme un jeune chiot qui se contente d'une caresse.

 

Le maître des cérémonies annonça enfin le dernier spectacle, qui sur le parchemin énonçant le programme était simplement appelé ainsi. Mais i1 courait des bruits à la Cour qu'il se préparait quelque chose de très particulier. Aussi tout le monde ouvrait-il  grand ses yeux et ses oreilles.

 

Le maître de cérémonies fit enlever les vastes tentures qui couvraient l'un des côtés de la pièce, faisant apparaître la paroi nue. Ce fut un cri de stupéfaction poussé en même temps par des centaines de gorge.

 

Dans cette paroi une très vaste plaque transparente laissait voir un univers marin entièrement reconstitué et éclairé de l'intérieur d'une vive clarté qui rendait les eaux d'une belle couleur bleue-verte et les remplissait de chatoyantes vibrations lumineuses.

 

Tout y était présent les rochers avec les anfractuosités pleine d'ombres, les algues, les coquillages et des poissons de tailles variées dont certains extraordinaires de couleurs et de formes. Sur le fond reposait une couche de cailloux et de sable.

 

Tout à coup, par un trou du rocher, entra un jeune homme icroyab1ement bien proportionner pour l'eau et s'y déplaçant ainsi qu'un dauphin. Ses pieds étaient munis de nageoires artificielles qui accéléraient sa course. Un grand couteau était accroché à un anneau de sa ceinture.

 

Avec grâce il fit deux ou trois tours comme pour se faire admirer. De temps en temps i1 s'approchait d'un des tuyaux qui pendait dans l'élément liquide, prenait une inspiration qui gonflait sa poitrine et poursuivait sa course vive. En effet il ne pouvait remonter pour respirer à l'air libre; 1a surface était rendue inaccessible par 1a voûte.

 

« Ce garçon appartient à une population de pêcheurs d'éponges de 1'í1e de Kost » me souffla quelqu'un, « i1 est habitué depuis son plus jeune âge à passer une bonne partie de sa vie dans la mer. ».

 

Je me demandais 1a signification de ce que je voyais, lorsque surgit un énorme poisson dont 1a tête était ornée d'une sorte de défense en forme d'épée.

 

Le nageur parut saisi par la vision de ce bizarre adversaire. Le poisson tourna plusieurs fois avec de vifs mouvements. Enfin i1 découvrit l'ennemi et arrêta brusquement ses évolutions. I1 1e mesura de son oeil glauques puis soudainement i1 fonça sur lui. Mais l'autre l'évita en se jetant souplement de côté. L'attaquant surpris, se retourna sur lui-même et fonça de nouveau, tel un taureau aquatique,

 

Le jeune homme esquiva encore, mais apparemment avec plus de peine et i1 se précipita à l'une des sources d'air…il semblait se mettre à étouffer.

 

Et 1a sauvage parade continua.

 

Soudainemeut le gladiateur nautique, alors que le poisson de combat passait juste à côté de lui, avec soa poignard lui perça 1a peau. Bíentőt 1e sang se répandit en nappes pourpres.

 

Cette estocade trop mal ajustée pour tuer 1a bête eut pour effet de la rendre furieuse. Elle donna un violent coup de queue à son protagonisme qui se trouva ainsi déséquilibré. L'animal se retourna presque sur place et chargea avec une redoutable précísion. Cette fois 1e garçon fut gravement blessé. Puis ce tt une horrible boucheríe. Le bassin devint complètement rouge.

 

 

Ah ! I1 fallait voir l'air de Sardonica se délectant durant toute 1a scène, avec ses yeux qui luisaient et sa mine réjouie qui frémissait.

 

Le rideau tomba à l'instant où l'on ne pouvait plus distinuer ni 1e poisson, ni 1e jeune homme, tran formés en chairs sanguinolantes par leurs assauts réciproques.

 

Je fuyai dans ma chambre, sous 1'oeil un peu triste, de me voir 1e coeur gros comme un enfant, de Sardonica.

 

 

 

 

SARDONICA ou la femme-panthére (k 15 )

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Sardonica (14)

 

Un silence des plus rares se fit... Cette statue de chair s'anima lentement.

 

Tantôt elle reposait gracieusement sur la patte de l'éléphant apparemment charmé, tantôt elle était sous lui. Il appuyait alors son pied énorme sur son frêle buste. On craignait très fort qu'il ne L'écrasât comme un mince fétu. Mais bonâsse il soulevait son pied et la laissait se relever prestement tandis qu'elle avait un sourire vague et lointain aux lèvres, comme si elle n'était pas de ce monde et s'y trouvait seulement de passage pour nous enchanter. Et la prenant délicatement dans sa trompe comme une fleur  extraordinaire l'éléphant la reposa précautionneusement sur sons dos.

 

Et au son de la musique étrange, elle repartit, belle sereine et impassible. Sa disparition fit retentir des applaudissements frénétiques qui brisèrent le mirage comme un verre de cristal.

 

" Ah ! »  Me dit le Général de la Cavalerie, celui qui peut avoir pareille beauté dans son lit, est plus heureux que celui qui a conquis la moitié du monde ! »

 

Je ne sus que lui dire que je pensais comme lui, mais que beauté bien vite s'évanouit et disparaît et qu'alors nous n'avons plus que cendres dans la main, comme souvenir dé ce qui, a été...

 

« C'est ma foi bien vrai, Dimitri et vous me faites penser quelque chose.

 

Je passais pour le service de la Comtesse, un jour dans une de mes anciennes garnisons du temps où j'étais un jeune et pétulant lieutenant adulé des femmes, courant de rendez-vous en rendez-vous., Je vins à ne trouver dans une rue remplie de boutiques et encombrée de marchands et de chalands, ce qui m'obligea à mettre mon cheval au pas.

 

Soudain j'entendis une petite voit poussive qu'il me semblait avoir déjà vaguement entendue quelque part il y a bien longtemps.

 

Mais je n'y prêtai pas autrement attention et poursuivis mon chemin. La petite voix continua à geindre doucement en me suivant et une main en se posant sur le harnachement de mon cheval tentait apparemment de le retenir. Je me retournai. Sous une masse assez informe de vêtements grisâtres, je fini par reconnaître en cette laideronne Sandra, l'ancienne serveuse d'un estaminet situé près de la caserne. Cette femme avait eu dans le passé quelques grâces pour moi. Je crois même pour être franc que j'en étais assez amoureux alors.

 

« Tu ne me reconnais pas Nicolas ? Sandra, SANDRA ! Te voici Général, à présent. Tu as bien réussi ta vie; tu es content. » 

 

-" OUI je te reconnais" lui répliquais-je excédé." Plus au Diable que je ne fusse que lieutenant et que l'on me rendit ma jeunesse ! »

 

  - « Il faut s'y faire » me répondit la vieille philosophant. Regarde ce qu'est devenue la belle Sandra. Tu te souviens ?

 

Bon Dieu, oui que je me souvenais : et les fêtes et les beuveries et les filles et l'alcool. Le muscle frais, l'appétit à dévorer les montagnes, et les nuits d'amour.

 

« Eh bien moi je ne m'y fais pas ! ». Je cravachai mon cheval qui démarra comme une flèche bousculant les passants qui ne comprenaient pas ce qui se produisait.

 

« Le pire » poursuivit le Général, de ce genre de rencontre c'est qu'i1 nous oblige à admettre que si votre ancienne maîtresse a vieilli et est ce qu'elle est devenue, vous non plus vous n'êtes plus le beau jeune home que vous vous persuadez malgré tout à vous croire. 

 

Vous vieillissez un peu chaque jour : une poignée de cheveux qui tombe, une dent qui disparaît, une ride qui se forme. C'est moins saisissant que si vous aviez la mise côte â côte, si cela était possible, de deux images en même temps : vous jeune homme et vous vieil homme.

 

Mais ce témoin irréfutable de votre passé vous révèle toute l'ampleur du désastre, si je puis dire, et vous affirme une réalité que vous ne pouvez plus nier. Vous êtes un vieillard usé et vous vous approchez de la mort de jour en jour. Elle vous guette cette vieille sorcière grimaçante, elle vous attend avec un air lubrique pour de funestes épousailles... »

 

L'arrivée du numéro suivant arrêta la perplexité du Général qui me parut avoir une plus fragile écorce que je ne l'eus crû au premier abord.

 

Quatre lutteurs énormes, enduits d'huile, se ruèrent par deux les uns sur les autres. Quatre paquets de chair se nouèrent et se dénouèrent en des noeuds de douleur et de cris. Des têtes crispées de monstres apparaissaient. Ils se battaient presque jusqu'à la mort pour une bourse d'or de la Comtesse.

 

Et vinrent des danseurs et des danseuses complètement nus et légèrement ambrés qui nous montrèrent des mouvements effrénés et érotiques. L'oeil de la Comtesse, comme celui d'un félin, aux aguets semblait avoir repéré, parmi tout ces corps, un corps mâle d'un particulier intérêt pour elle; plus musclé, plus fruste peut-être que les autres. Il lui faisait présager plus de jouissances dans le rut qu'un autre : une sorte de plaisir rude et animal qui seul pouvait la satisfaire.

 

D'un geste de son ongle recourbé, en un élan qu'elle ne savait contenir, elle désigna l'homme au maître de cérémonie qui opina du chef. Le ballet s’arrêta, le regard un peu perdu du jeune homme se dirigea vers Sardonica. Il avait compris. La troupe sorti brusquement par un côté de la scène, comme frappée de stupeur.

 

Sardonica se leva et l'air excité disparut.

 

J'étais ivre de jalousie et prêt à tuer si il le fallait.

 

Le Général de la Cavalerie me contemplait d'un air triste, gravement.

 

Il voulait sans doute, je pense m'inciter à la prudence.

 

Il éprouvait aussi une serte de commisération compréhensive pour ma jeunesse, comme si notre conversation précédente l'avait rendu plus proche de moi.

 

Je sortie sur le balcon pendant qu'une troupe de troubadours ambulante vinrent chanter des couplets qui racontaient les amours d'un pauvre baladin et d'une princesse des temps lointains.

 

Je n’avais  point le coeur à l’entendre.

 

Et je restais dans la tiède nuit d'été à attendre.

 

Le beau danseur fut accompagné par deux archers noirs dans l'aile du Palais où se trouvaient les appartements de Sardonica.

 

 

(A suivre)

 

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Sardonica (13.2)

 

 

…/…

Enfin arrivèrent les ambassadeurs étrangers, certains venus de très loin, avec toutes sortes de costumes qui surprenaient par leurs étrangetés. Tous souhaitaient prospérité à la Comtesse et saluaient le jour béni de sa naissance. Et ils lui remettaient un splendide cadeau : de l'Or, des pierreries. L'un vint même lui apporter un magnifique cheval qui caracolait dans la salle, surpris de se retrouver au milieu de ces gens bizarres et de ces lumières.

 

" Je te le donnerai » me dit Sardonica en me regardant avec un regard langoureux. " Je sais que tu aimes le blanc. Moi le préfère de beaucoup le noir; il convient mieux à mon teint ajouta-t-elle avec une certaine ironie.

 

Le maître des cérémonies, de pourpre éblouissante vêtu, de pied en cap, frappa un gong immense de cuivre luisant qui retentit puis résonna longuement en décroissant, annonciateur de mystères…

 

Et le spectacle commença. D'abord un orchestre s'avança , suivi de danseurs et de danseuses en costumes du Pays qui mimèrent allègrement des scènes paysannes relatant les différentes saisons des récoltes ou de la vie.

 

Pendant ce temps, alors que nous étions assis sur des divans recouverts de magnifiques étoffes, on commença à nous apporter de la nourriture sur des tables basses : pièces rares et délicates, viandes di venaisons relevées d'herbes subtiles et sauvages, dont on avait seulement choisis les meilleurs morceaux.

 

Des jeunes filles, toutes jolies et habillées pareillement d'un tablier noir et d'une robe blanche vinrent nous servir leu vins les plus renommés.

 

Parmi elles, essayant le plus possible de passer inaperçue, Sonia. Parfois elle me frôlait. Je sentis même son souffle sur ma peau et le rayonnement de sa chair. Nos regards se croisaient, mais mous faisions semblant de ne point nous connaître. Troublante et difficile chose en vérité ! On voyait combien elle était malheureuse de ne point pouvoir me parler ni me toucher. Tandis que moi je m'inquiétai de savoir si le fin regard de Sardonica, perçant au-delà de toute imagination les voiles de la conscience humaine, ne pouvait cet instant découvrir notre secret manège.

 

J'en tremblais surtout pour Sonia. Je tenais de plus en plus à elle, fleur délicate et fragile du jardin de ma vie, poussée soudain au milieu des mauvaises herbes, sans que l'on sut pourquoi. Sans notre rencontre mon coeur serait resté une pierre desséchée que rien n"eût jamais touché.

 

Des jongleurs jaillirent d'un côté de la vaste scène comme une trombe colorée. Ils maniaient les sabres avec une telle dextérité qu'il eût suffi qu'il y eut un écart d’une fraction de seconde dans l'exécution de tel mouvement pour qu'i1 puissent gravement blessés, voir même tués.

 

Sardonica distraite en ce qui concernait les danses, suivait ici avec un intérêt extasié ; le même intérêt d'ailleurs qu'elle éprouvait pour tout ce qui pouvait promettre larmes, deuils et sang, causes de jouissance pour elle. Parfois même elle approuvait par de doux glapissements les morceaux particulièrement risqués des artistes.

 

Puis un moment extraordinaire que ma mémoire garde à jamais enfoui, comme un trésor enchâssé.

 

Au son d'une musique singulière à nos oreilles, venue d'un 1ointain pays, arriva noblement accroupie sur un carré d'étoffe rouge, placé sur le dos d'un éléphant, une fille splendide de grâce et de beauté. Elle était complètement nue, recouverte seulement d'un voile de gaze qui la nimbait plus qu'il ne la dissimulait.

 

 

Quel joyau unique irradiant sa lumière !

 

(A suivre)

 

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