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Site sur la Science-fiction et le Fantastique

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Articles avec #nouvelles

LE CLOWN


 

Je n'aime que cet instant rare.

Le chapiteau bruit de la rumeur vivante des gens. Les rampes fastueuses des lumières éblouissent l'espace. L'orchestre joue une musique que l'on appelle de cirque et qui est pour moi la seule musique. Elle me trempe le corps d'un bain de jouvence et me revigore l'esprit. Je me sens presque l’égal des dieux.

 A chaque fois il se passe la même chose... J'oublie qui je suis.

Et tout barbouillé par mes farines de couleur, tout ridicule dans mes habits dorés et de taille extravagante, je joue.

Je suis un clown.

Mes paroles sont usées d'avoir trop traînées sur la piste, mes jeux de mots sont énormes. Qu'importe ! Je suis dans cette mystérieuse communion du spectacle que je ne saurais expliquer exactement. Ici seulement j'ai l'impression d'exister encore.

Et je m'en vais sous les applaudissements qui me versent comme une légère ivresse. Les quelques minutes que j'ai passées sur la piste ont enluminé ma pauvre journée.

 

Je n'ai plus que cela dans ma vie être clown. Il ne me reste plus rien d'autre. Il n'en a pas toujours été ainsi. J'ai connu des moments où j'avais encore au coeur quelque espoir. Je n'en ai plus aujourd'hui. Un ressort s'est cassé en moi d'un coup.

 Je ne supporte plus de regarder les numéros de voltige. Lorsque Monsieur Loyal annonce l'arrivée des trapézistes, je prends bien garde de me trouver déjà dans les coulisses. Et jamais je ne les observe qu’au travers des toiles. Leurs évolutions me terroriseraient et me rappelleraient trop de choses. Trop de choses que j'essaie de dissimuler dans ma mémoire, mais qui me hantent quand même encore tant d'années après.

 Mon passage terminé, je ressens de nouveau ma tristesse, vieille blessure purulente que je porte toujours au côté; et j'attends la prochaine séance. Ne survivant que dans cette espérance.

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Je dis :"cirque !" Et je vois...

 Tigres du Bengale, beaux et souples.

Lions de l'Atlas marron et blasés. Fatigue et fierté dans leurs yeux plissés sous les lumières."Que sont-ils venus faire en ces pays froids ?" se demandent-t-ils surpris. »

«  Quels sont ces fous qui les regardent sous ces feux terribles, qui ne valent pas le vrai soleil ? "

 Eléphants, gros comme des montagnes se dodelinant placidement sous les ordres du cornac, et s'ennuyant comme des Lords.

 Le cercle courant des chevaux brillants d'être étrillés. Rien de plus beau et de plus sobre peut-être que cela, tournant, virevoltant aux claquements du fouet. Ballet intelligent.

 Et la parade en ville ! On ne la fait plus aujourd'hui. Trop coûteuse et gênant la circulation. La parade en ville. Annoncée 1a veille par des camionnettes munies de haut-parleurs sillonnant les quartiers à la grande joie des marmots. On défilait au milieu de rangées de badauds ébahis de voir pareil cortège et pareille fête. Les gamins des faubourgs dont les parents étaient souvent trop pauvres pour pouvoir leur payer une place pouvaient participer un peu à la liesse générale.

 Toute la troupe était là avec les animaux. Des costumes bariolés et scintillants. Une fanfare à égayer des cimetières. Les clowns se livraient à leurs cabrioles et à leurs pitreries sous les yeux émerveillés des enfants. Ceux-ci poussaient des petits cris de bêtes où pointait déjà la cruauté.

 C'était le cirque qui passait. Et il paraît pour un jour de joyeuses couleurs la terne ville, et jetait des éclats de lumière dans les tristes vies !

 Je dis CIRQUE ! Et je sens...

 L'odeur du cirque à nulle autre pareille. Cette odeur forte chaude et vivante. Cette chaleureuse odeur de communauté hommes-bêtes. L'homme et la bête partenaire des mêmes jeux. Complices et ennemis à la fois !

 

Hélas Madame le cirque se meurt, le cirque est mort !

Happés par le tube de leur écran de télévision, qui borne pour eux les frontières de l'univers, les gens se font plus rares.

Des journalistes nous disent qu'ils ont perdu leur fraîcheur d'esprit et leur naïveté d'antan. Qu'ils sont plus intelligents en somme ! Ne serait-ce pas plutôt une certaine capacité de vivre et d’enthousiasme populaire qui ont disparu ? Mangés par le culte de la marchandise et du faire-accroitre !

Les énormes frais de cette véritable ville ambulante deviennent trop lourds. On réduit le personnel et le nombre des animaux. Souvent aujourd'hui l'orchestre ne comprend plus qu'un musicien qui tape sur des batteries, tandis que des bandes magnétiques débitent leurs airs " disco ". On feint d'avoir dissimulé les joueurs dans une sorte de recoin des décors en carton. Et de temps en temps l'unique instrumentiste fait semblant de regarder ses camarades pour leur indiquer la mesure. Il ne trompe plus personne , c'est même un peu ridicule.

Marchands de rêves et d'illusions ! On nous dira que verser ces poisons est chose dangereuse. Comme si il n'y avait pas de plus redoutables marchands d'imaginaire dont l'office ne menait à de plus périlleuses issues !

Plus intelligent le Peuple, allons donc.., prêt à suivre n'importe quel dompteur

Je ne sais ce qui est le plus triste, le voir ainsi périr à petits feux, ou s’il disparaissait d'un coup  et qu'on en parle plus. Les hommes sont bien mortels, pourquoi le cirque ne le serait-il pas ?

Mais trop de fils ténus me lient à lui. S’il meurt mes souvenirs seront tués d'un coup, engloutis tant d'années. Je disparaîtrai sans doute avec lui.

Après mon décès je voudrais que l'on m'enterre dans de la toile de cirque avec un peu de sciure à l'intérieur.

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Et il y avait Lili. Lili était la fille du prestidigitateur « Fabuloso ». Je la connus alors qu’elle n’était qu’une gamine frêle et gauche, mais déjà si belle, et, comment dire, si « différente » une sorte de solitude un peu désespérée qui flottait sur elle la distinguait des autres... Ses cheveux si blonds, sa fraîcheur de peau semblaient être les reflets de la fraîcheur de son â7-11e. Et cette gentillesse légèrement détachée, cet intérêt qu’elle semblait éprouver pour tout le monde....

Toute jeune elle commença à aider, son « père. Elle lui « tenait son chapeau dont il tirait des pigeons et des mouchoirs multicolores en quantité. Elle apportait le sabre qui permettait au magicien de transpercer sa maîtresse du moment au travers du coffre magique.

Et celle-ci en ressortait indemne et joyeuse sous les vivats des spectateurs émerveillés. Mais Lili restait distante et sereine comme si le contact avec cette illusion un peu surfaite ne faisait que de l’effleurer.

Petit à petit, comme un lierre obstiné sur un pauvre mur, elle s’attacha « a-moi. Nous partageâmes nos solitudes, et nos univers...

C’est probablement parce que je n’étais qu’un nain qu’elle voulait bien me considérer comme un enfant et me faire cadeau de sa compagnie ? Peut-être aussi qu’une certaine pitié un peu cruelle se plaisait à exercer son pouvoir sur moi ? je ne sais. L’innocence de l’enfance n’est peut-être que le piège malhabile de l’adulte retord ; et sous les visages candides se cachent déjà les âmes compliquées ?

Ce que nos sensibilités meurtries par la vie dure préféraient, c’était se réfugier dans la fantasmagorie de l’imagination et du rêve.

Cachés dans un recoin du caravansérail, nous tenant la main, nous nous racontions des histoires fantastiques, compréhensibles de nous seuls...

Parfois même nous nous costumions des vêtements les plus invraisemblables, empruntés à des artistes, qui les traînaient dans leurs bagages. C’étaient des débris de leurs vies mortes. Et ils les ressortaient de temps en temps lorsqu’ils évoquaient au fond de leur roulotte leurs souvenirs.

J’étais Prince et elle était Princesse.

Nous habitions des palais bleutés et foulions des tapis somptueux, sur lesquels nous nous envolions pour des destinations féeriques. Ispahan la magnifique, Jérusalem la mystique ! Sans doute que pauvres villes de la réalité, que je ne visiterai jamais, vous n’avez rien de commun avec les riches cités de mon imagination !

Les toiles du chapiteau, l’accompagnement du barrissement des éléphants, du hennissement des chevaux, du rugissement des lions superbes étaient bien faits pour évoquer des aventures orientales.

Nous jouâmes certaines scènes où j’étais son mari et elle ma femme. Elle faisait chavirer son regard bleuté dans mes yeux. Elle ne se doutait pas l’innocente (ou s’en doutait-elle ?) qu’elle versait en moi le trouble et un obscur désir. Je sentais son souffle encore d’enfant à hauteur de ma joue.

Il lui arriva même de me donner un baiser les yeux mi-clos, emporté par le jeu. Ce baiser était pour moi une marque au fer rouge sur ma peau. Ma situation ne me donnait guère de chances avec les femmes. Je le savais bien.

Elle était ma seule amie, la seule compagne de mes instants de liberté et de bonheur...

Puits un jour elle ne voulut plus jouer avec moi. Sans me dire pourquoi elle se mit à me bouder. J’avais le cœur de déchirer à l’idée de lui avoir fait quelque peine. Je demandai timidement explication. Elle me répondit que ce n’était rien, que je ne pouvais pas comprendre.

Je remarquai soudain que Lili était presque une demoiselle.

La juvénile poitrine commençait à pointer sous le tricot, les formes à s’al1onger et à s’évaser, la lèvre à se faire plus sensuelle, le regard à s’alanguir, l’esprit à s’ouvrir sur des rêves vagues...

Je réalisai que la jeune fille ne voulait plus de son compagnon de l’enfance. Elle le trouvait indigne maintenant de marcher à ses côtés dans le nouveau chemin rempli de musique et de fleurs qu’elle imaginait s’ouvrir devant elle.

Je la voyais se dissimuler fréquemment dans les coins avec des garçons, semblant en éprouver un certain plaisir. Je n’osais plus l’approcher depuis qu’un jour ils m’avaient chassé à coups de pierre. Elle les avait laissé faire sans rien dire, mais      rire non plus....

Cependant les ponts n’étaient pas entièrement coupés.   Nous nous disions     “Bonjour” lorsque nous nous voyions, avec comme une complicité involontaire dans nos regards, chargés de souvenirs communs.

Fabuloso mourut agrès avoir tout dépensé. Les mauvaises langues visaient de lui qu’il était plus doué pour faire sortir des billets de banque d’une boîte vide, que pour les conserver dans sa poche.

Aussi, tout naturellement, Lili en vint à apprendre un métier du cirque.

En effet, fréquentant peu l’école, les enfants de la balle ne pouvaient guère envisager d’entrer dans un quelconque état de la société qui les entourait et où ils se sentaient mal à l’aise.

Habitués à voyager ils auraient eu quelques problèmes à se fixer en un lieu. Ils étaient des nomades, des êtres fantaisistes, des feux follets, des esprits errants sur cette terre ; comme leurs parents l’avaient été.

Ainsi le cirque se perpétuait de lui-même, petite onde dans le grand.

J’assistai à ses débuts de loin, en feignant de ne point m’y intéresser. Avec quelques maladresses, elle s’habituait à vivre avec la corde. Il faut se faire accepter d’elle, comme le dompteur de ses lions. Elle a ses réactions et son tempérament comme eux.

Lili s’accrochait avec courage. Elle recommençait autant de fois qu’il le fallait. Son petit front se plissait et ses yeux devenaient butés. Presque tous les enfants du cirque ont cette obstination face aux difficultés, face au danger. Ils veulent triompher contre eux-mêmes, je pense. C’est ce que leur a appris cette rude école venue de très loin et dans laquelle ils sont nés.

J’avais l’impression qu’elle me toisait un peu dédaigneusement depuis qu’elle marchait là-haut telle une fée blonde, et que je n’étais plus qu’un disgracieux petit nabot qui rampait au sol.

Parfois de son fil, quand même, elle me faisait un petit signe de la main qui m’allait droit au cœur. Peut-être qu’elle n’en ne m’avait pas oublié, qu’elle n’avait pas oublié nos jeux d’antan ?

Et peut-être qu’elle me reviendrait un peu, pas complètement, mais du moins un peu. Je l’espérais plus que toute autre chose.

Elle devint une splendide trapéziste. Sa grâce et sa beauté faisaient monter des “Oh !” de stupéfaction et d’émerveillement des foules. Son corps était gracieux, son pied léger sur le câble.

Je dois avouer qu’à, chaque fois que je la regardais évoluer dans les airs, j’étais inquiet qu’elle ne vienne à tomber et ne se brisât à mes pieds.

J’étais jaloux des autres artistes qui posaient leurs mains sur la cambrure de ses reins, et oui lui souriaient. C’était pour la nécessité su spectacle ; mais cela me semblait plus que cela.

Je ne pouvais empêcher mon imagination de vagabonder après que la répétition fut finie et que ces garçons la raccompagnaient.

De quelque lointaine contrée du Sud, un jour, nous vint Cendréro. Il était précédé d’une formidable réputation de trapéziste. Son nom avait déjà figuré en gros sur les affiches des plus grands cirques du monde. Je vous parle d’un temps que les plus jeunes ne peuvent point imaginer. Alors les grands artistes de la piste étaient connus de tous ; et leur prestige immense dans notre petit univers.

Quel bel homme c’était Cendréro ! D’assez bonne taille, brun de poil et de peau, une musculature à faire frémir d’aise les dames. Et une certaine bonne idée de soi, une certaine aisance, bien faite pour lui assurer leurs faveurs.

Il fut bientôt la coqueluche de tout ce que pouvait compter de spécimens de l’espèce féminine du cirque depuis l’ouvreuse jusque-là femme du propriétaire, en passant par les souples écuyères, les jongleuses....Même la femme-serpent n’aurait pas dédaigné de le prendre dans ses anneaux.

Le Directeur comprit tout de suite le parti qu’il pouvait tirer de ce couple contrasté et harmonieux. Lui fonçé et fort, elle blonde et gracieuse. Lili et Cendréro. Cendréro et Lili. Les conquérants des airs !

Ils devaient devenir dans l’esprit des gens comme la concrétisation de l’homme et de la femme idéaux se faisant pendant, se mettant en valeur réciproquement et planant loin au-dessus des préoccupations terrestres.

Ils semblèrent prendre goût à cette idée. En effet on les remarquait presque toujours ensemble ; à l’entraînement bien sûr, mais aussi dans la vie. Ils devisaient ensemble, semblaient se faire des confidences. Lili plutôt rêveuse et sérieuse, devient rieuse et joueuse. Les langues ne manquaient pas de se délier. Beaucoup de ces commères n’étaient en fait que des jalouses qui auraient bien voulu se trouver à la place de Lili.

Lili ne semblait plus me voir, et elle ne me parlait plus. C’est à peine si lorsque nous nous rencontrions, nos regards se croisaient vaguement.

Cela m’était affreusement pénible. J’étais seul, terriblement seul. Je redevenais ce que je n’avais jamais cessé d’être : un nain affreux et colérique. Et dans un coin de la roulotte que je partageais avec d’autres nains, je me mettais à pleurer tout seul.

Moi, amoureux de Lui ! Cette passion avait du germer en moi depuis bien longtemps, quoique je fis tout pour l’étouffer. Idée absurde, chimérique, démente que de pouvoir croire qu’un jour elle s’intéresserait à moi autrement que comme objet de sollicitude !

Lentement comme des poisons subtils, la jalousie et la haine s’infiltrèrent en moi contre l’intrus qui venait de me ravir Lili. Mes yeux ne pouvaient cacher leur éclat terrible en présence de ce Don Juan du fil. Il ne semblait pas s’en apercevoir. Au contraire il faisait preuve à mon égard d’une sorte de ton protecteur plutôt affectueux. Ce ton me faisait mal.

C’est sûr que la comparaison entre nous ne pouvait aller qu’à son avantage. Et ce que cela pouvait me faire rager !

Lili après tout était bien en âge de prendre un amoureux. Peut-être aurais-je supporté n’importe lequel autre ? Mais celui-ci me semblait fat et sot. Et de savoir qu’il touchait la belle Lili m’était insupportable.

Et de plus en plus j’envisageais de me débarrasser de lui. Il ne me restait plus qu’à trouver le moyen.

Ma faible taille m’interdisait les procédés physiques brutaux.

Dans une bagarre, même à coups de couteaux, il m’aurait désarmé en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Dans ce cas je n’aurais fait que de me ridiculiser.

J’étais lâche aussi ; je n’avais nulle intention d’être déféré à, la justice et de subir la haine des foules hystériques. Je voyais déjà les titres des journaux : » un nain jaloux assassine le trapéziste... «

Je ne voulais pas non plus que Lili soit victime de ce scandale que nous soyons définitivement brouillés et qu’elle connaisse le vrai fond de mon âme.

Plus que tout je comptais survivre à mon forfait, me féliciter de mon astuce. En un mot savourer ma victoire hypocritement. J’avais bien calculé mon coup. Et j’en étais assez fier. J’attendis le grand soir, crevant d’impatience et de peur. Je n’osais plus regarder Lili. Elle ne semblait pas d’ailleurs en être beaucoup affectée, toute à son rêve intérieur.

Le moment était bien choisi. En plein milieu de la représentation. Sous les fantastiques lueurs des projecteurs, le tambour répand sa musique inquiétante. Tous les visages sont levés, béats d’admiration, vers ce couple merveilleux. Lui si bien découpé, elle revêtue d’un maillot où jouent les paillettes. Si beaux là-haut, si sûr d’eux-mêmes…

Les gnomes tenaient un rôle dans ce numéro  appelé "Blanche-neige et les sept petits nains ».

Un rôle de faire-valoir évidemment. En ce qui me concerne j’étais négligemment appuyé sur un piquet où aboutissaient de grosses cordes ; ma cape recouvrant certaines à demi.

Et je regardais en haut comme le tout le monde.

De ma poche intérieure, par en dessous le drap, sans qu’on puisse le voir, j’extrayais une petite scie que j’y avais amoureusement dissimulée.

Sans en avoir l’air, à toute vitesse en jubilant, je me mis à couper la corde. O comme le métal mordait bien les fibres !

Les petits hommes peuvent être fort adroits contrairement à ce que les gens pensent communément.

Soudain ça lâcha d’un coup. Je compris avec terreur que, dans ma fébrilité, je m’étais trompé de câble. Et c’est Lili qui alla s’écraser contre le sol, comme une fragile marionnette...

Je m’étais brisé avec elle, à cet instant. J’eus l’impression que j’éclatais aux quatre coins en mille morceaux brillants et noirs. Disloqué à jamais... Mon être écartelé criait intérieurement et saignait. J’avais affreusement tué la seule personne que j’aimais réellement.

Il y eut un grand silence. Puis la montée des voix stupéfaites... Tous les artistes se rapprochèrent de Lili. La peine était inscrite sur leurs visages ; car tout le monde aimait bien Lili, si bonne avec chacun. Je ne m’approchai pas d’elle. Mais cela dû sembler naturel, que je n’en aie pas le courage ; car nul n’ignorait que nous avions été très ami lorsqu’elle n’était qu’une enfant.

Je sentais depuis un moment un regard posé sur moi. Vous savez cette impression qu’on a lorsque quelqu’un vous contemple intensément même lorsque vous avez le dos tourné. Pas de doute on m’observait.

Ca m’avait observé pendant toute la scène. J’en avais la ferme conviction.

Je me retournais d’un coup, décidé à en avoir le cœur net. Un petit garçon brun, vêtu comme un jeune bourgeois endimanché, avec un nœud papillon, sans doute soigneusement noué par sa mère, très fière de lui. Le petit bourgeois appartenait à une paire d’yeux.

Des yeux immenses qui lui mangeaient la face, ouverte comme des fenêtres… Et ce regard. Je n’ai jamais vu de pareil regard. A la fois comme horrifié et fasciné par ce qu’il avait vu. Alors que l’attention de tous était capté par le trapèze et que la salle était plongée dans la semi-pénombre, il avait préféré s’intéresser a moi ! Et il savait. J’en étais sûr. IL SAVAIT ! Et peut-être qu’il avait tout compris de ce qui c’était passé dans mon esprit !

J’allai lui rendre visite le lendemain. Elle vivait dans une belle roulotte depuis qu’elle était devenue une vedette. Mais ça ne lui était pas monté à la tête. En effet elle avait précieusement conservé et entretenu tous les            souvenirs qu’elle possédait de  « Fabuloso ».

Je n’ignorais point qu’elle allait mourir. C’est ce que le médecin avait déclaré et tout le monde le savait. Elle le savait elle aussi, cela se voyait sur ses traits.

Je fis semblant d’avoir bon espoir. Je lui avais apporté un bouquet et quelques friandises qu’elle ne pourrait pas manger. Sa colonne vertébrale était brisée en plusieurs endroits et son corps n’était plus que plaies vives. Elle devait souffrir atrocement, mais elle supportait crânement ce coup du sort. Même elle adoptait un ton faussement enjoué pour me parler. On côtoie tous les jours la mort au cirque. Et elle en avait vu de ces artistes devenus plus bons à rien â la suite d’un accident oui traînaient une vie misérable. Elle s’était faite à l’idée qu’elle allait mourir. Mais elle se trouvait quand même bien jeune pour cela. Elle regrettait de ne pas avoir connu plus de la vie. Elle m’avoua qu’elle aurait aimé se lancer à la rencontre du monde.

Malgré moi des larmes perlaient de mes yeux et coulaient sur mes joues. N’en pouvant plus de cette tension, je pris congé d’elle. Avant que je ne n’en aille elle me regarda intensément et elle me prit la main. « Tu sais », me dit-elle, « je crois bien que je t’aimais. Il faut que tu le saches.... Ne m’oublies pas ! » ajouta-t-elle, « Mais ne penses pas trop à moi ! »

Je fus convoqué par la police, comme les autres, pour témoigner. Ils ne semblèrent rien trouver de suspect dans mes déclarations. Aussi ils ne m’inquiétèrent pas. Par contre lorsque le Directeur me fit venir, il avait un drôle d’air. Il me déclara que dorénavant il serait obligé de se passer de mes services. Il devait se douter de quelque chose. Mais il n’était peut-être pas sûr que j’avais scié la corde. A moins qu’il ne voulut pas ternir la réputation de son établissement ou qu’il pensa que ce crime commis sous le chapiteau ne regardait que le monde du cirque ?

Je ne sais.

« Il y a quand même quelque chose que je ne comprends pas dans cette affaire », dit pour terminer le Directeur. Oui il y avait quelque chose d’incompréhensible !

J’appris plus tard que Cendréro était parti lui aussi et nul ne le revit jamais, et ne sut dire ce qu’il était devenu.

Je n’ai plus que cela dans ma vie : être clown.

Les quelques minutes que j’ai passées sur la piste ont enluminé ma pauvre Journée. Et je m’en vais sous les applaudissements qui me versent comme une légère ivresse.

Ici seulement j’ai l’impression d’exister encore. Je suis dans cette mystérieuse communion du spectacle que je ne saurais expliquer exactement. Mes paroles sont usées d’avoir trop traîné sur la piste, nies jeux de mots sont énormes. Qu’importe !

Je suis un clown.

Et tout barbouillé par mes farines de couleur, tout ridicule dans mes habits dorés de taille extravagante, je joue.

J’oublie qui je suis.

À chaque fois il se passe la même chose. Je me sens presque 1' égal des Dieux. L’orchestre joue une musique que l’on appelle de cirque et qui est pour moi la seule musique. Les rampes fastueuses des lumières éblouissent l’espace. Le chapiteau bruit de la rumeur vivante des gens.

Je n’aime que cet instant rare...

les clowns de Paul Césanne

les clowns de Paul Césanne

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LA FEMME QUI VENAIT D’AILLEURS

 

L'idée du miroir lui vint un jour qu'il avait donné à Alice une orange et lui avait demandé de quelle main elle la tenait.

- Dans ma main droite, répondit Alice.

- Regardez maintenant cette petite fille dans la glace et dites-moi dans quelle main elle tient l’orange ?

- Dans sa main gauche.

- Et comment expliquez-vous cela ?

- Elle réfléchit un instant, puis répondit

- Si je pouvais passer de l'autre côté du miroir est-ce que je n'aurais pas toujours l'orange dans ma main droite ?

 

Préface d' «  Alice aux pays des merveilles »  Editions Marabout.

 

LA FEMME QUI VENAIT D’AILLEURS

Chapitre 1er

 

C'était un petit temps comme je les aime. Nous étions en Mai et l'air était doux. Des nuages gris-blancs, en formation cotonneuse défilaient poussés par un vent vif. Je me sentis baigner par une vie pleine d'attraits et aller au devant de plaisirs, charmants. Ma peau vibrait de tous ses éléments et dans toute sa profondeur.

 

J'avais vingt-trois ans et je venais de terminer mes études d'ingénieur. J'étais sorti de l'école avec un très bon rang. Aujourd'hui je venais prendre un emploi, mon premier emploi au Centre de recherches nucléaires de Pavel. J'avais encore en poche la lettre très aimable du directeur scientifique me déclarant que l'équipe travaillant sur les corpuscules atomiques serait très heureuse d'accueillir un nouveau collaborateur, l'ensemble de la communauté des chercheurs également. Je connaissais par coeur les termes mêmes de cette lettre, tant je l'avais relue de fois.

 

Le destin me souriait... Ma mère devait être fière de moi, là-bas dans son petit appartement, propre et sentant bon la cire, d'un quartier populaire de la banlieue parisienne. Elle avait peiné: durement après le décès de mon père, mort encore jeune, pour m'élever et me permettre de poursuivre mes études. Elle s'était privée elle-même du nécessaire pour que je ne fasse pas trop piètre figure auprès de mes camarades mieux nantis.

 

Enfin,-je m'en étais sorti et allais commencer â exister...

 

De plus j'avais fait la rencontre de Carole, une jeune chimiste, au bal de la promo et mon coeur battait à la pensée qu'elle devait me téléphoner dès que je serais arrivé.. Je revoyais son très joli. Profil mutin, rehaussé par son blond chignon un tantinet austère.

 

J'appréciais beaucoup son sens de l'humour un peu particulier légèrement désabusé. Et l'air soigné qu'elle donnait à sa mise et son apparence physique, et la distance légèrement ennuyée qu'elle mettait entre elle et les autres gens. Cette distance avec moi était plus petite et ne demandait qu'à fondre. Ça se lisait dans les lueurs chaudes de ses yeux marron.

 

Les massifs de la petite gare frissonnaient longuement.

Quelques proches attendaient â la descente du train des voyageurs. Ils se congratulaient mutuellement avec force sourire. Personne ne devait être 1à pour moi, car on ignorait l'heure exacte de mon arrivée.

 

Je l'avais fait un peu exprès, car je détestais plus que toutes les mondanités, les accueils, les retrouvailles et les départs.

 

A l'écart de tout ce mouvement, étrangement calme, une femme blonde qui semblait chercher quelqu'un avec quelque hésitation. Elle n'était sans doute pas du pays.

Sa toilette stricte d'une élégance un peu désuète détonnait sur celle de ces gens simples.

 

Elle me remarqua, parut soudain me reconnaître et se précipita vers moi avec un sourire radieux que je trouvai truqué. A ma profonde surprise, elle se jeta dans mes bras comme si-nous ne nous étions pas vus depuis bien longtemps et que nos relations eussent été bien intimes. Avec une effusion un peu forcée elle se serra contre moi et m'embrassa.

 

Je ressentis une sensation inhabituelle au contact de sa peau. De plus celle-ci exhalait un parfum-singulier, pareil à celui des fougères des sous-bois. Très naturellement l'inconnue me prit le bras, me demandant de mes nouvelles, tout en riant à gorge déployée, d'une façon un peu nerveuse.

 

J'aurais dû arrêter net ses tentatives. Je ne le fis pas, ne 1'osant pas et voulant voir jusqu'où elle irait. Au fond cette aventure soudaine m'intriguait et me plaisait assez. Moi qui aimait le mystère et à qui il n'était jamais rien arrivé que de très normal...

 

 

Je déclarai que je devais aller chercher les clefs de l'habitation au Centre de Recherches. Elle me répondit tranquillement qu'elle les avait déjà en sa possession. Je protestais.

« -Mais enfin, je suis ta femme !" poursuiva t’elle vivement.

J'étais suffoqué. Jamais, au grand jamais, je n'avais été marié.

« - En es-tu sûre au moins ?".

« - Parfaitement sûre ! Ce sont des choses qui ne s'oublient pas si facilement !

 

Elle se mit presque en colère. " N'as-tu pas rencontré quelqu'un d'autre ? Ne cherches-tu pas à te débarrasser de moi ? De toute façon tu n'as pas intérêt à raconter cela à Pavel ; on ne te croirait pas. J'ai été me présenter comme ton épouse au Directeur du Centre. "

 

Effectivement je me trouvais coincé. Si j'allais dire que je ne connaissais pas ma femme, je n'impressionnerais guère en ma faveur mon nouveau patron ! Et j'avais besoin de réussir en ce poste. C'était la concrétisation de l'espoir de tant d'années pour moi et ma mère !

 

Toute cette affaire sentait le coup monté. S'agissait-il d'une sorte de bizutage particulier de mes compagnons de laboratoire se livrant à des travaux austères et désireux de temps en temps de s'en délivrer ? Alors le dernier arrivant en faisait les frais...

 

 

Jouons le jeu... Elle était extrêmement jolie. Nous verrions bien au moment où elle aurait à remplir ses"devoirs conjugaux » si elle se considérait encore comme mon épouse. Elle devait être un bien joli livre de voyages à parcourir.

 

Elle me fit visiter toutes les pièces de cette maison avec une grande assurance. Elle les connaissait parfaitement dans leurs moindres détails.

'' - Depuis quand te trouves-tu ici ?" demandais-je.

"- Depuis lundi. " répondit-elle en feignant la surprise,

" Comme nous en avions convenu. Tu as déjà, oublié. Décidément tu oublies beaucoup de choses ! Ne te serais-tu pas surmené un petit peu ces temps-ci ?" ajouta-t-elle affectueusement.

 

Je ne savais plus que penser. Il est vrai que j'avais beaucoup travaillé pour obtenir ces examens depuis des années. Il n'était pas impossible que cela eut influé sur mon comportement mental.

 

 

Après minuscule chambre d'étudiant sous les combles, la petite villa me sembla presque le château du Marquis de Carabas. " C'est gentil ici " me dit-elle. C'était en effet très gentil, meublé avec goût par le Centre de Recherches pour ses ingénieurs, pour qu'ils ne manquassent de rien.

 

Je pourrais enfin me consacrer à mes travaux dans d'excellentes conditions. Essayer de traquer la matière dans ses derniers retranchements c'est à` dire peut-être parvenir à comprendre les mystères de la création. Le but de ma destinée... comprendre le pourquoi et la cause du Grand Tout. Trouver la serrure sacrée.

 

Mais elle, J'y songeais soudain, elle n'était pas prévue dans le déroulement si bien organisé de mon existence. Je n'étais plus très sûr du canular. Comment m'en débarrasserais-je plus tard si je voulais m'en débarrasser ?

 

Je m’enquis de son nom. Elle me déclara avec ironie s'appeler Sylvana, ce qui me rappelait quelque chose, je ne savais trop quoi et me sembla bien convenir à sa personnalité, je ne sus pourquoi.

 

Je nous revois encore buvant un verre pour inaugurer ma nouvelle vie, notre nouvelle vie devrais-je dire plus exactement. Elle m'avait servi mon cocktail favori en tirant du réfrigérateur déjà, garni les liquides que j'aimais en les mêlant dans des proportions adéquates comme un barman de grand hôtel. Mais elle ne m'avait pas demandé ce que je désirais prendre... Elle le savait.

 

Comme je m'étonnais elle me rétorqua :" On ne cohabite pas avec quelqu'un plusieurs années sans connaître ses goûts... et même ses vices... " ajouta-t-elle avec un petit sourire.

 

J'étais assis dans le fauteuil de cuir, la soumettant  une sorte d'interrogatoire souriant, sous un faux air de conversation banale.

Je lui demandai à quelle occasion je l'avais rencontré pour la première fois. Elle me répondit que c'était sur le vol Paris-­Lisbonne d'une compagnie charter, il y avait deux ans de cela.

Elle y était hôtesse de l'air. " Ce fut le coup de foudre réciproque, mon chéri  poursuivit-elle, Il et nous décidâmes de nous marier peu après bien que tu n'avais pas terminé tes études et que cela risquait de poser des problèmes. Et je continuais mon métier d'hôtesse pour subvenir aux besoins du ménage, car ta mère ne pouvait, comme tu le sais, beaucoup t'aider. "

 

« Aussi il ne serait pas chic de me larguer aujourd'hui, alors que j'ai quitté mon métier pour te suivre dans ce trou. »

 

Et elle appuyait sur le mot trou avec une nuance de dégoût aristocratique.

Je notai que si elle employait des expressions populaires, voir argotiques, c'était toujours avec une petite pointe d'accent précieux. Et que dans l’ensemble son vocabulaire et sa syntaxe étaient un peu surannés ; comme le français que parlent le p1us souvent les étrangers, appris dans les écoles, même lorsque la fréquentation des bars et des étudiants a mêlé  à l’or pur de leur langage quelques scories.

 

Elle était incollable sur tout ce que je pouvais lui demander ­sur les événements concernant ma vie, même à la limite les plus anodins, et ne présentant que de l'intérêt pour moi. Elle y répondait de bonne grâce et avec un air un peu amusé, se doutant bien que j'essayais de la prendre en défaut.

 

Elle savait par exemple qu'enfant j'étais tombé en jouant au football et qu'il m'en restait une marque au genou. Au travers du pantalon elle me posa exactement la main à l'endroit de l'ancienne blessure. Cela 1e fit un peu mal lorsqu'elle appuya. C'était extraordinaire réellement, si elle n'était pas ma femme, cette connaissance intime de ma personne.

 

C'est sans réticence aucune qu'elle se rendit dans la chambre, se déshabilla par petits gestes précis devant moi, et se laissa faire l'amour. " Se laissa faire l’amour"est une expression juste, car elle n'y prit de sa part que fort peu d'activité, se contentant de se pelotonner contre moi et de pousser de petits cris de comédienne. En réalité elle semblait penser à autre chose ou à rien. Quoique de je me fus soigneusement lavé avant de me mettre au lit, elle trouvait mon odeur particulièrement forte et faisait effort pour ne point détourner son nez offusqué de moi.

 

Je remarquai sous ma langue et mes dents que sa chair n'avait pas exactement la consistance d’une- chair, mais était plus lisse et plus craquante, si je puis dire. Je notai aussi de nouveau cet étrange parfum de sous-bois qu'elle dégageait. Je n'avais jamais respiré de senteur de cette nature jusqu'alors. Il me sembla qu’il_ venait de la peau elle-même et non point d'un quelconque produit vendu en flacon. Le respirer vous faisait pénétrer dans un monde étrange et vous donnait d'autres idées que celles que vous aviez ordinairement.

 

Après ces exercices je me demandai quel être inconnu reposait, si placidement â mes côtés... Jamais je ne vis femme plus belle, ni mieux faite, comme si elle était sortie d'un moule aux formes et aux proportions parfaites...

 

Apparemment nous menions la vie d'un couple uni. Souvent elle venait m'attendre à la sortie du laboratoire. Mes compagnons de travail crevaient de jalousie, et cela ne me déplaisait pas, de voir si ravissante femme me sauter au cou, avec un sourire éblouissant un peu comme celui que l'on voit sur les affiches vantant les mérites d'un dentifrice. C'était moins pour sourire que pour montrer ses dents qu'elle avait fort belles et régulières. Celles-ci semblaient dures comme le diamant, comme neuves poussées de la veille. Mais il s'agissait de vraies dents, je le précise, et non d'une quelconque prothèse même merveilleusement réussie.

 

Sans trop en avoir l'air, je la surveillais attendant qu'elle se trahisse; ce n'était point si aisé.

 

Une fois même Je fouillai dans son sac à main. Il me répugnait assez de devoir utiliser semblable méthode. Multiples objets que l'on trouve ordinairement dans le sac à main d'une femme. Je découvris ses papiers dans un petit porte-carte. La carte d'identité précisait son nom évidement, qui s'avérait être le mien,-son prénom Sylvana, son nom de jeune fille et sa date de naissance. La photographie était bien la sienne, et selon toute probabilité avait été mise lors de la confection de la pièce. Le tampon sec de la Préfecture recouvrait parfaitement et le carton et la photographie. Seule une suspicion débordante pouvait faire douter qu'il ne s'agissait pas là d'un document sincère.

 

Il y avait aussi une carte d'hôtesse de l'air un peu défraîchie, sur laquelle elle apparaissait avec un charmant couvre-chef et un sourire commandé. . Le nom était bien le même que celui de jeune fille de la carte d'identité. On trouvait encore un vieux ticket de métro, un billet d'un cinéma du quartier latin où j'allais parfois... et la photographie d'un très beau jeune homme que je ne connaissais pas... lui. Cela pouvait très bien s'expliquer qu'elle n’ait pas jugé utile de me le présenter.

 

Bien sûr alors, j'aurais pu abandonner mes recherches, estimer que j'avais été amnésique, et tenter de reconstituer mon passé sous la version qu'elle me présentait et qui offrait toutes les apparences de la cohérence. Mais cela m'intriguait trop, et je ne pouvais accepter de douter de mon intégrité mentale. Puis il y avait quand même quelque chose qui ne me semblait pas coller tout â fait, un léger défaut dans le coup de pinceau du paysage par l'artiste, un bruit de fêlé dans le cristal lorsqu'il tinte.

 

Je constatai qu'elle avait des habitudes alimentaires très bizarres. Elle n'avait jamais faim à l'heure des repas, prétextant qu'elle avait déjà mangé précédemment. Les végétaux ne figuraient jamais à son ordinaire. Elle ne m'en cuisait pas et ne voulait pas que je m'en cuise devant elle. La vue même de légumes reposant sur un plat, à plus forte raison coupés, la rendait quasiment folle.

 

Par contre je la surpris une fois en train de croquer avec délices des mouches qu'elle avait attrapées. Ce1à me parut très répugnant, mais elle le faisait avec la grâce d'une petite fille.

 

Un de mes collègues de travail avec lequel je m'étais lié d'amitié, me signala que l'on jasait beaucoup autour de lui sur le fait qu'elle avait l'habitude de se promener nue dans le jardin­et qu'on la voyait du dehors, par-dessus les haies. Pour sa part il ne s'en plaignait pas. Il est vrai qu'il lui semblait naturel d'être nue, et qu'elle n'enfilait qu'avec difficulté ses vêtements qui d'ailleurs étaient la plupart du temps très légers. Mais il n'y avait là-dedans aucune effronterie, ni provocation.

 

Souvent lorsque le soleil était assez fort, elle adorait s'exposer longuement à ses rayons avec ravissement. Son corps semblait se nourrir de sa lumière bénéfique et s'en régénérer. Sa magnifique masse de cheveux blonds, drus comme des crins soyeux, paraissait luire plus encore, comme éclairée par une lueur interne.

 

Je pensai qu'elle était d'un pays nordique où le soleil est rare et la communion avec la nature très grande.

 

Un jour que je rentrai volontairement à l'improviste, je la trouvai plongée voluptueusement dans un bain bourbeux. Elle me déclara sans trouble, qu'il s'agissait d'un traitement de beauté qui lui avait été conseil1é par une de ses amies. Et que cela lui réussissait fort bien. Je ne pus qu'en convenir. Mais j'avais l'impression qu'il s'agissait en réalité de terres, et d’engrais destinés aux plantes qu'elle avait dissous dans l'eau. D'ailleurs e1le avait une grande attirance pour les contacts physiques avec la terre, même boueuse. Elle aimait à, s'y vautrer, ou s'y plonger les pieds. Elle me proposait même de faire comme elle.

 

Dans le fil de mon discours j'ai omis de parler du bijou qu'elle portait, autour du cou. Pourtant c'est l'une des premières choses d'elle qui m'avait frappé. Elle ne s'en départait sous aucun prétexte n'aimait guère que je le touche.

 

Je n'avais jamais vu de pareil bijou, même à la vitrine des grands bijoutiers parisiens. Sa forme était curieuse et rare. Une sorte de T dont la branche supérieure était légèrement arrondie. A chacune des trois extrémités un diamant d'une brillance extraordinaire taillé en facettes faisait jouer la lumière. L'objet paraissant creux, constitué d'un métal qui ressemblait au platine, et ne devait être d'aucun métal terrestre de ma connaissance. J'avais quand même étudié assez sérieusement la géologie à l'école. Et c'était peut-être la matière dans laquelle j'étais le plus doué. A mes nombreuses questions elle répondait qu'il s'agissait d'un objet magique, d'une sorte d'outil et pas du tout d'une parure, quoiqu'il reposait joliment au creux de ses seins, illuminant de leurs éclats ses chairs légèrement ambrées où j'aimais à poser ma main.

 

Je pardonnais de plus en plus à ses fantaisies, car j'étais de plus en plus amoureux d'elle, envoûté progressivement par l'atmosphère qui l’environnait, comme par celle que l’on respire dans l’ombre d'une plante vénéneuse.

Parfois nous voyons de ces êtres hideux se cogner aux verres et nous observer. Nous ne sommes pas surs que nous parviendrions toujours à les contenir.

 

" Que dire de nous ? Que nous menons une vie paisible » en harmonie avec les éléments. Pour venir ici j'ai du suivre une formation particulière. Nous n'usons point d'un langage parlé, échangeant directement nos idées et surtout ressentant des vibrations que vous ne sauriez capter. Nous ne nous reproduisons point par accouplement comme vous. Nous croissons d'abord dans des liquides jusqu'à ce que nous soyons suffisamment vigoureux. Alors la jeune pousse est confiée à un couple qui la prend en charge jusqu'à sa croissance complète.

 

Rien n'est plus touchant, et ça te toucherait toi-même que de voir deux plantes adultes serrées l'une contre l'autre, et pressant contre elles affectueusement une jeune plante qui se meut dans leur ombre.

 

Si on éprouve réellement beaucoup d'affection pour quelqu'un on peut toujours demander au Grand Ordinateur de confectionner un composé de vos deux codes génétiques. S’il accepte on obtient un croisement qui ressemble aux deux plantes parentes. Il y a même des filles qui se font faire une plante commune avec des personnages célèbres d'autrefois. C'est particulièrement fréquent chez certaines étudiantes en lettres qui évitant tout à fait la fréquentation des autres vivent dans leurs rêves de la littérature ancienne avec leur rejeton issu d'elle-même et de leur auteur favori »

 

Elle changea soudain de ton :" Si j’évoque des images de maternité, c'est parce que j'attends un enfant de toi. Il faut bien appeler cela ainsi. »

 

J'étais stupéfait. Elle poursuivit :" Nous disposons certes de tous les organes nécessaires. Mais l’acte sexuel nous est interdit. Si il arrive cependant que deux plantes décident de copuler entre elles ,mues par une trop grande attirance et curiosité, et qu'un fruit en résulté, le Grand Ordinateur les fait détruire avant l’accouchement, parents et enfants. Aussi nous n’avons pas l’expérience de ce qui pourrait arriver, à plus forte raison avec un être d'une autre espèce. "

 

Je décidai d'avoir un petit d'elle malgré que ce fût folie.

Si jamais elle me quittait, j'aurais un souvenir vivant d'e11e-même.

Elle aussi n'évoqua pas une fois la possibilité de mettre fin à sa grossesse. Et nous nous préparâmes à la venue de cet héritier de deux civilisations.

 

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La gestation semblait se passer très bien. Sa taille allait très naturellement en s'arrondissant, Et Sylvana n'en éprouvait aucune gêne particulière. Elle n'exprimait pas non plus quelque crainte. Mais je l'ai assez dit les problèmes psychologiques n'existaient guère pour elle. Encore que l'épisode douloureux de sa confession, et ce bébé à venir avaient changé quelque chose dans nos rapports les rendant plus proches.

 

Je décidai qu'elle accoucherait à la maison, même si cela pût paraître singulier à notre entourage, et, par la suite alimenter des soupçons. Elle pensait également que ce serait une sage solution.

 

Un de mes anciens amis exerçait la médecine dans la région parisienne. Je l'invitai sous prétexte de vacances, ce qui pouvait sembler plausible. Je ne lui dis pas ce qu'il en était de la nature de Sylvana. Mais il comprit rapidement dès qu'il la vit, et à plus forte raison lorsqu'il l'examina.

 

" Tu sais ce qu'elle est ?" me demanda-t-il. Tu aurais peut ­être dû t'adresser à un jardinier plutôt qu'à un médecin. " " Je n'ai jamais vu de chose plus extraordinaire " poursuivit-il, mais la mère jouit d'une vitalité de chêne, si je puis dire. Cela, se présente dans d'excellentes conditions "

 

I1 croyait que ma femme était une anomalie de la création, une sorte d'avatar de l'évolution. Je ne lui révélai point qu'elle venait d' " ailleurs ". C'était trop compliqué.

Il y avait une pointe d'humour dans la voix de mon ami lorsqu'il me préconisa pour elle un régime adapté à son cas: soleil, terre et vie au grand air. De plus il me recommanda d'éviter les contrariétés qui n'étaient pas sans influence sur les plantes d'après les travaux biologiques récents. Au fond il avait très bien pris ce1à...

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Lorsque j'entendis le premier vagissement je me précipitai dans la chambre. Un splendide bébé parfaitement constitué commençait sa vie et se demandait ce qui lui arrivait. Sa mère le tenait dans ses bras avec tendresse. Ce n'est qu'avec hésitation qu'elle me le confia quelques instants, semblant craindre de moi, pour lui. Elle nous regarda tout deux avec une sympathie inquiète et contradictoire. Les grands yeux curieux du nouveau citoyen s'ouvraient pour la première fois. Il était fripé comme un vieux parchemin des bibliothèques du monde, sur lequel étaient dessinées des multitudes

de caractères. Je ne sus dire si j'étais heureux. Je me mis à craindre alors pour l'avenir.

 

C'est peu après la naissance que je remarquai le changement complet d'attitude de Sylvana. Elle devenait souvent absente, s'isolait seule avec le bébé de longues heures.

 

Un jour elle me murmura avec peine :" Ils me rappellent, ils veulent que je revienne... Ils ont peur que je tienne trop à toi, que je devienne comme vous, que je passe de votre côté... "

 

" Avec le bébé ?- Avec le bébé ! »

 

Alors je me mis à la surveiller presque nuit et jour, encore que je savais bien que je ne pourrais pas les empêcher de me l'enlever. Ils la contrôlaient toujours à distance, même si ils craignaient que ce ne soit pas suffisamment bien.

 

Malgré tout j'avais cet espoir fol de la garder, de la garder toujours. Je ne voulais pas qu'un beau jour elle disparaisse de ma vie aussi brusquement qu'elle y était entrée, par une déchirure de l'espace.

 

J'avais l'impression que les sollicitations qui l'appelaient ailleurs étaient de plus en plus fortes et qu'elles lui faisaient violence.

Je ne savais pas où cela allait se passer. Je n'avais aucune idée même de la façon dont ils procéderaient; ce qui accroissait la difficulté de ma tâche de gardien.

 

Je m’attendais à, une sorte de véhicule étrange dont la forme n'aurait rien â voir avec celle des véhicules connus. Elle avait toujours refusé de me renseigner à. ce sujet, arguant qu'il s’agissait d'un très grave secret dont la connaissance mettrait en péril leur communauté. Car si le chemin de cette planète à la nôtre était connu, il serait facile alors pour des chercheurs terriens de trouver le chemin inverse. Jamais non plus elle n'avait voulu me dire combien d'envoyés, comme elle, se trouvaient sur terre et quels étaient les travaux auxquels ils se consacraient. Une fois révélé ceci, ils seraient très vulnérables. On pourrait les débusquer avant que de les exterminer.

 

Elle ne me dévoila pas non plus les arcanes de leurs mathématiques bizarres, dont les dimensions, les courbes, et les formes n'avaient rien de commun avec les nôtres. Je crois qu'ils possédaient là l'intégration d'une bonne partie des données du monde. Cette clé nous manquait, et j'aurais bien aimé la donner aux hommes. Au fond je ne sais. Il est douteux qu'ils en auraient fait alors bon usage. Ils auraient cherché à perfectionner leurs armes de guerre pour mieux se détruire et détruire l'univers.

 

Sylvana a peut-être eu raison de disparaître sans me rien raconter de cela.

 

 

XXX

Je vais essayer de narrer aussi simplement que possible comment ils sont partis tous les deux avec des airs désolés, attirés par une force gigantesque. C’était par un après-midi ensoleillé comme on en voit en Provence dans les débuts de l'été.

 

J'étais allongé sous un arbre vénérable et odoriférant. Je suivais au travers de l'entrelacs des ramures dansantes les jeux amoureux de l'ombre et de la lumière.

 

L'existence m'apparaissait à la fois comme vaporeuse et signifiante. J’étais un esprit fugace, moins que ce léger souffle de vent, mais lié au Cosmos.

 

J'entendis un bruit strident comme celui d'une pale d'hélicoptère qui tourne à une vitesse folle, accompagné d'une intense vibration de l'air. Je me précipitai vers la maison. Je constatai que plus je me rapprochai plus l'air opposait de résistance, plus la lumière devenait intense et affolée.

 

Lorsque j'entrai dans la maison l'air devint comme une eau qui coulait autour de moi. Arrivé au bord de la salle à manger je ne pus plus progresser. Une sorte de mur de verre s'opposait complètement au passage.

 

Sylvana au milieu de la pièce tenait notre enfant, qui lui passait les bras autour du cou, tandis que de l'autre elle soulevait d'une certaine façon le bijou qu'elle portait autour du cou, en le tournant d'un angle particulier.

 

Je compris alors. La lumière s’engouffrait par les trois extrémités du bijou et en ressortait en un tourbillon décomposé d'une grande violence. C'est ce tourbillon qui faisait pareil bruit. Le mouvement s'accélérait, devenant de plus en plus formidable.

Bientôt ma femme et mon enfant furent au milieu d'une espèce de bulle d'air dans une mer déchaînée. Cette mer déchaînée était parcourue de lueurs ondulantes, de palpitations étincelantes, dans lesquelles vibraient des couleurs inconnues. J'emploie ces périphrases pour que l'on me comprenne. Mais ce n'est que l’expression imparfaite de la réalité. La terreur que j’éprouvais et la beauté du spectacle passent l'imagination.

 

Sylvana semblait possédée par un esprit supérieur et agir inconsciemment. Le bébé vivait déjà ailleurs.

 

Des parcelles d'Or volatiles se mirent à voler autour du sarcophage creux. Dans un dernier mouvement ils regardèrent en ma direction, elle esquissa un vague signe de la main.

 

L'Or sembla se liquéfier, puis se solidifier pour constituer une paroi. Le sarcophage se mit à pivoter sur lui-même avec une grande vitesse. Je vis au travers d’une ouverture l'autre partie de l'espace où vivaient les hommes-plantes dans leurs cités étranges.

 

Elle disparut soudain au delà des portes d'Or en poussant un cri, que je ne pus entendre.

 

...................

Le Procureur de la République essuya ses lunettes avec un air pensif :

" Votre femme et votre enfant, que la rumeur publique vous accusait de séquestrer, disparaissent... Et vous inventez cette histoires d’enlèvement extraterrestre avec une foule de détails qui atteste j'en conviens d'une certaine richesse d'imagination, ou d'une bonne dose de folie.

 

Un seul témoin pourrait arguer de la justesse d'une partie de vos dires: le Docteur Lebreton. Il est mort il y a quelques jours, écrasé par une automobile. La police a tout lieu de croire qu'il ne s'agit pas d'un accident mais d'un homicide volontaire pour se débarrasser de lui.

 

Cependant nous ne nous expliquons pas certaines choses. Il a bien existé une Sylvana Grumbach ayant exactement le même physique, le même âge que ceux de votre épouse disparue, et correspondant trait pour trait aux photos d'identité que vous avez en votre

possession. Sylvana Grumbach est bien hôtesse de l'air; mais elle est morte dans un accident d'avion en Amérique du Sud il y a deux ans. Le Boeing 747 s'est écrasé pour des raisons restées inexpliquées sur la Cordillère des Andes. Les restes de la jeune fille ont été formellement identifiés. Le jeune homme blond qui ne vous connaît pas mais existe bien, c'est son frère ! Pour lui il ne fait aucun doute qu'elle soit réellement morte.

 

Cependant la Sylvana " ressuscitée " ne semble pas exactement être Sylvana. C'est en quelque sorte une copie trop parfaite, de la " fausse-monnaie " . .

 

Vous pouvez rentrer chez vous. Mais vous ne devrez point vous éloigner de la localité sans accord de la Police. Il y a une certaine Mlle Carole qui téléphone plusieurs fois par jour pour demander de vos nouvelles... Vous devriez l'appeler. "

 

Le Procureur de la République me fit une grimace qui pouvait paraître un témoignage de sympathie dans sa fonction.

 

Méfiez-vous, vous hommes incrédules qui lirez ma confession, des femmes séduisantes qui n'aiment pas la salade !

Elles risquent de vous entraîner dans des aventures bien embarrassantes !

 

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SARDONICA (20)

 

I1 me souvient si fort de ce passé mort que je me demande si je ne 1e vis pas encore réellement.

 

Le temps était lourd et 1a chaleur épaisse. On suait sous les uniformes et les cuirasses. Les escouades de cette armée étaient frémissantes comme autant de meutes de chiens pretes à 1a curée : 1e bestialisme qui sommeillait en l'homme ne pouvait plus se dissimuler.

 

On amena couchées les tours de bois, tirées par des groupes de chevaux, aux pieds des murs. Et on dressa soudainement ces constructions en l'air. Aussitôt, de leurs sommets, des archers bandèrent leurs arcs et tirèrent des volées de flèches, tandís que des catapultes bombardaient 1a place aux moyens de projectiles de toutes natures, tous plus abominables les uns que les autres.

 

0n conduit à l'une des énormes portes quelques éléphants qui arnachés à un énorme bélier se mirent sur les étranges injouctions de leurs conducteurs à enfoncer les lourds battants. Puissants et intelligents animaux í1 y parvinrent irrésistiblement malgré les nombreux traits piqués dans leur peau qui les rendaient plus furieux qu'ils ne les arrêtaient, et dont ils tentaient de se débarrasser comme si il s'agissait de tiques.

 

Aussitôt notre armée s'engouffra dans cette brèche comme 1e sang jallit d'une veine perforée. Les assaillis, tant bien que mal tentèrent de se regrouper et d'empêcher l'entrée de nos soldats en se battant sauvagement au corps à corps.

Ils ne 1e purent.

 

Et ce fut une lente progression à trayers les fortifications qui s'effectua avec son affreux carnage tandis que nos adversaires se défendaient pas à pas sachant bien que de toutes façons les troupes de Sardonica ne feraient pas de quartier et qu'au bout du compte i1 n'y avait que 1a mort qui les attendait en grimaçant.

 

Cette bataille dans 1e crépuscule qui noircissait de plus en plus avait quelques chose de saisissant : 1e hennissement des chevaux nerveux, 1a brillance des métaux, cette rumeur sourde et chaude à nulle autre pareille. Et pendant que se jouait 1a vaste scène, une sinistre musique l'accompagnait : celle des cris des blessés sur des tons divers, continuellent. Ces cris sont encore ea moi et me font encore frémir aujourd'hui.

 

Quand une bonne partie de 1a troupe eut nétré dans 1a ville, Sardonica, sa Garde personnelle et sa suite ( dont je faisais partie ) entrèrent à leur tour. La Cité nous a apparut comme aussi immense et riche qu'on nous l'avait décrite auparavant.

 

Cependant ça et 1e combat se poursuivait encore. Mais on voyait bien que l'ennemi était irrémédiablement défait, quoiqu'il réussissait tant híen que mal à se cramponner à quelques derniers bastions, faisant encore quelque illusion sur ses capacités de résistance et luttant avec l'énergie du désespoir....

 

Annonçée à sons de trompette par des héraults chatoyants, l'apparition de Sardonica, entourée par ses panthères excítées par l'odeur de 1a chair et du sang, prêtes à bondir, avait quelque chose d'extraordinaire et de superbe à la fois. Et les gens de la ville encore vivants écarquillaient les yeux de voir s’avancer pareil soleil noir semant 1a mort, sa lourde épée à lame brillante à 1a main...

 

Soudain un groupe de guerriers faisant írruptíon du recoin d'une ruelle, se rua sur nous en poussant d'horribles cris de guerre. Ils réussirent à briser 1e cercle de 1a Garde personnelle de 1a Comtesse et furent bientôt  sur moi et sur Sardonica.

 

Nous fises face seuls à nos ennemis pendant de brefs instants qui me semblèrent pourtant ne jamais devoir finir. Les panthères appelées par leur maitresse qui ne leur parlait pas, mais poussait des plaintes rauques comme celles de ces bêtes revinrent rapidement et sautèrent et sur les chevaux et sur les cavaliers, déchiquetant les plus proches de leurs griffes et de leurs dents en poussant des hurlements.

 

« Braves créature ! » dit Sardonica, satisfaite de ses féales. Puis 1a Garde ayant réussi à se reformer encercla nos assaillants et mít rapidement en pièces ceux qui restaient encore en vie.

 

Quoique couverts d'éclaboussures de sang nous nous n’avions aucune blessure. J'avais conscience de m'être assez vaillamment battu pour un débutant au métier des armes. D'ailleurs Sardonica un peu plus tard me dira qu'elle était fière de moi. L'émotion qui devait se lire sur mon visage n'avait envahie et c'est un peu en balbutiant que je m'adressais aux officiers qui venaient me féliciter pour mon courage et ma présence d'esprit. Peut-être aussi qu'ils voulaient se mettre en bons termes avec un favori de 1a Comtesse dont ils pourraient avoir besoin plus tard.

 

Tout à coup je vis ce spectacle incroyable. Un homme à terre geignaít encore et perdait son sang en abondance. J'avaís noté 1a progressive animation des traits de Sardonica, comme à 1a chasse. Soudain n'en pouvant plus, telle une bête elle sauta à bas de sa monture et se rua sur cet homme. Et à pleines mains, 1a tête plongée dans son torse à demi entrouvert, se mit à lui dévorer les entrailles avec une délectation sauvage et une fureur extrême, alors qu'on entendait les råles horribles de la victime.

 

Puis à quatre pattes, elle se mit à courir en tous sens, bondissant ici, donnant là un coup de patte, tranchant ailleurs une gorge d'un coup de griffes comme avec un rasoir, se vautrant dans 1e sang avec une jouissance extrême. .. J'aurais voulu l'arrêter; mais un de mes jeunes amis officiers m'en dissuada : « dans ces moments là elle ne reconnait personne, mieux vaut la laisser faire jusqu'à ce qu'elle se calme. »

  

La panthère qui était en elle reprenait alors le dessus.

 

Puls elle s'arrêta, s'accroupit sur ses membres antérieurs avec une extrême souplesse,leva son museau       et se mít à pousser des hurlements de panthère . Ce qui avait été son joli visage était métamorphosé et prenait des caractères de l'animalité. Les autres panthères se groupèrent autour d'elle en un cercle, se mirent à miauler à l'unisson en dírection du ciel, comme pour faire l'offrande d'un sacrifice religieux.

 

Je ne sais coabien de temps dura cet étrange office face au firmament parsemé d'étoiles et où brillait 1a pleine lune comme une souveraine impavide contemplant 1e monde. Mais je crois me souvenir cependant qu'í1 dura assez longtemps, tandis que dans les rues les combats se poursuivaient et que 1'on entendait la plainte de ceux que tourmentait et les Cris des femmes que l'on violait....

 

(A suivre)

 

 

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SARDONICA (17)

 

Bien sûr, la guerre que nous fîmes reste presqu’intacte elle aussi enfouie dans ma mémoire. Ce fut une guerre affreuse, totale et sans pitiés pleines d'horreurs à vous faire lever la nuit en gémissant au milieu des cauchemars.

 

Je me dotais que cela finirait par arriver, puisque je connaissais les buts auxquels Sardonica se préparait depuis toujours. Mais je m'étais habitué à oublier cette éventualité et m'étais installé dans un relatif confort et une certaine quiétude.

 

C'est par un jour des plus ordinaire que Sardonica me convoqua à ce sujet. Elle avait le front soucieux et semblait réfléchir quelque chose de lointain.

 

« Tous les états qui nous entourent sont en train de se coaliser ; ils finiront bien par nous attaquer. Nous devons réagir avant que nous n'ayons leur tenaille autour de la gorge, sinon nous sommes perdus. »

 

-« Comment en sont-ils venus à s'allier, eux si ennemis les uns des autres ? »

 

Je savais en effet que par ses agents Sardonica faisait tout pour entretenir la zizanie entre eux et qu'elle y parvenait fort convenablement. Elle plongea son regard vert où brillaient mille colères dans le mien « Je pense que quelqu'un au Palais les renseignent.... Je découvrirai bien qui il est. Alors i1 ne vivra pas bien longtemps. »

  

« Mais maintenant nous sommes prêts » ajouta-t-elle en changeant de ton. « Et ils verront ce qu'il va leur en coûter de s'attaquer à la Comtesse Sardonica. Ils vont de quelle qualité est le sang qui brûle dans mes veines !! »  

 

« Tiens, regarde, je vais te prouver que ce ne sont pas de simples idées que je me mets en tête ».

 

Et élevant ses mains au-dessus d'une vasque d'eau claire qui se trouvait dans la pièce et la fixant intensément elle fit prgressivement apparaître une image un peu vacillante et de plus en plus nette.

 

Et je vis rassemblés autour du Duc de Prochilian, général renommé et maintes fois victorieux, les seigneurs de tous les pays ennemis. Et je les entendis discuter aprement de la meilleure façon de nous vaincre. Sardonica souriait étrangement à leurs propos qui semblaient incroyablement vains.

 
« Tu ne m'as pas encore battu, petit Baron » répliqua-t-elle à l'un qui avec beaucoup d'outrecuidance exposait  comment réduire cette putain” en deux           jours. ».
« 
Je t'étranglerai de mes propres mains, pauvre vantard ! »
.

Elle retira ses paumes d'au dessus 1a vasque, diminua l'intensité et la concentration de son regard : l'image s'enfuit peu à peu, et bientôt on ne vít plus ríen sur l'eau....

 

« -Quand partirons-nous ? » demandais-je la voix un peu blanche.

« Nous ne pouvons plus attendre. Nous partirons demain aux premières lueurs du jour. Nous allons prévenir  les chefs militaires dès cette nuit pour qu'ils mobilisent  l'armée et nous marcherons sur nos ennemis que nous défairons».

  

Sardonica avait un air sombre et semblait plus se parler à elle-même qu'à moi-même. Je pris rapidement congé d'elle et je décidai d'aller trouver Sonia pour lui expliquer la sítuatíon. Je ne pris point garde de savoir si, je serais vu des habitués du château tant mon émotion était profonde de quitter ma Belle.

 

Je frappai à la porte de sa chambrette le signal que nous avions convenues, quand  nous aurions besoin, l'un de   l’autre et que nous ne  devions utiliser qu'en cas d'extrêne urgence.

 

Elle m'ouvrit blanche d'émotion et de frayeur se demandant, ce qu'il pouvait bien se passer. Elle comprit víte . « C'est la guerre ! » J’opinai, sans rien dire: nos esprits comuniquaient merveilleusement et se comprenaient silencieusement.

 

Elle baissa la tête sérieuse:  « Je savais bien que tu partirais un jour, et que tu mourrais peut-être, c'est ta destinée. C'est la mienne de ne pouvoir bien longtemps être heureuse. ».

 

Je revois encore ses puvres lèvres crispées qui ne souriaient pas, tandis que ses yeux illuminés continuaient à sourire eux malgré tout avec une lueur brillante là-bas quelque part dans le fond, ouverture lumineuse sur son âme.

 

« Je ne t’oublierais pas, je t’assure, même si tu devait mourir ».

- Mais je ne suis point encore mort et je reviendrai !

« -Je l'espère  bien que tu reviendras » me répondit-elle en m'écrasant la main et en m'étreignant.
« 
Je l'espères bien »

«- Et alors nous partirons ensemble. »

«  - 0n dit toujours que l'on veut partir et l’on reste ! » 

« -Nous partirons ensemble et nous vivrons ensemble, ailleurs ! »

 

J'avais l'impression qu'elle avait le coeur brisé et je n'insistai pas.

« Te battras-tu toujours à ses côtés ? »

« - Probablement. Je suís toujours à ses côtés dans la Paix. Il en sera ainsi sans doute dans la Guerre. »

« - Et tu courras et le risque de ta vie et celui d'etre damné pour 1a Comtesse ínflernale. ».

 

Je baissai la tête sans répondre: Sonia avait décoché une flèche juste à l'endroit sensible.

J'aimerais encore assez mourrír aux pieds de ma reine pour son service, lui ayant donné jusqu'à ma vie pour preuve de mon amour insensé et dévorant comme un feu.

 

«Je saís bien qu'elle t'a envouté  » me dit Sonia en me passant son doigt sur son front qui s'était mis  à se plisser.

 

« Je ne t'en veux pas trop. Mais si seulement c'était une autre femme !  Je ne serais que jalouse... ».

 

Il me gênait  avec elle d’aborder ce sujet et de connaitre le vraí fond de mon âme où se débattaient des sentiments contradictoires comme des poissons noirs dans un bosal dansant une danse infernale et tentant de s'entredévorer furieusement.

(A suivre)

 

 

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SARDONICA (16)

 

Il est un épisode de ma vie dont j'ai conservé parfaite souvenance. Mais comme j'en ai terriblement honte, j'ai volonté de le cacher. Il est indigne de mon état de moine.

 

Mais je dois l'avouer pour la complète narration de mon histoire, et pour que l'on sache jusqu'ou je descendis dans l'abîme de l'infâme, et dans l'infidélité à ma religion. Pour que l'on me comprenne et que l'on me pardonne. Tout homme est pêcheur et soumis aux tentations. Et en ce me concerne on conviendra qu'il s'agissait d'une particulière tentation qui eût pu éprouver âme plus solide que la mienne, alors que je n'étais qu'un jeune séminariste lorsque l'on me lacha dans cette antichambre de l'enfer...

 

Un sombre soir d'hiver, alors qu'il neigeait au dehors et que je lisais un livre au coin de la cheminée auprès de laquelle je me pelotonnais précautionneusement, Sardonica frappa lourdement ma porte. Elle entra soudainement, entièrement vêtue de fourrures, de la tête au pied. Le froid du dehors rosissait son visage. Elle me dit d'un air impérieux : « Tu vas enfin participer à ta première messe ici. »

 

« A cette heure-ci Madame ? Mais il est près de minuit ; ce n'est pas l'heure de la messe. »

 

Elle sourit mystérieusement. «  Ici C'est l’heure de la messe. »

 

Je la suivis, sortis dehors et rejoignis un cortège, tout de noir vétu, où je reconnus des  figures familières de l'entourage de Sardonica, mais habillées comme si i1 s'agissait d'un clergé particulier.

 

Sardonica munie d'une sorte de sceptre d'Or prit la tête en me tenant, intimidé, par la main. Les cloches tintaient lugubrement dans la nuit lourde. J'étais rempli d'angoisse et je contemplai par en dessous la mine sombres des officiants complètement métamorphosés.

 

Notre procession parcourut les rues autour de l'église en chantant d’étranges chants latins dont je ne comprenais point la signification. Mais je devinais qu'ils célébraient la gloire du Tout-puissant, mais du Tout-puissant Noir, de Satan pour tout dire.

 

Nous ne rencontrâmes qu'un homme au cours de notre marche, mais il s'enfuit bien vite et disparut terrorisé.

 

Nous devions en effet faire peur à voir avec notre ferme détermination et notre air terrible. Enfin nous arrives à l'église du château.

 

Jetant un oeil aux motifs qui ornaient les murs, je me rendís compte qu’ils étaient en fait fort dissemblables de ceux qui ornait les églises ordinaires, avec d'autres sculptures assez horribles à voir, et, d'autres symboles ínconnus de moí.

 

Nous pénétrâmes par la grande porte par laquelle jaïssaít une violente musique étrange et saccadée que je n'avais jamais entendue. Je trempais, comme les autres, ma main dans le vaste bénitier et fit un signe de croix à l'envers, comme je le vis faire à Sardonica. A ma profonde surprise c'était du sang frais qui se trouvait daas 1a vasque et j'en répandie une petite tache sur mon front. Me tenant toujours par la main, Sardonica me mena à l'autel brillamment illuminé de lueurs tremblottantes.

 

A 1a place du Christ, un  superbe Satan taillé dans un corps noir, un Satan grimaçant et triomphant avec à la main un sceptre d'Or, juché sur uze boule d'Or qui devait représenter notre monde et qu'í1 foulait aux pieds dédaigneusement. Tous nous nous agenouillâmes  devant le Prince des Enfers pendant que mes compagnons psalmodiaient des incantations magiques.

 

Mon oeil stupéfaít allait de Sardonica à la représentation du mon. Il avait la même grâce allongée, une queue comme elle-même,  les mes mains fines et vigoureuses pour saisir comme un piège d’acier,et ce quelque chose d'indiciblequi lui donnait même expression.

 

Sardoníca semblait ímpressionée, pour la première fois de sa vie, et les larmes aux yeux, elle balbutiait des paroles incohérentes: « O toi Grand Prince Noir des Ténèbres. O Toi Divin Prince… », puis elle se releva pour diriger l'office qui allait se dérouler.

 

Je compris víte que j'étais le premier concerné par cette cérémonie. On ne fit revêtir un habit noir d'impétrant, un peu comme celui des autres que lon tira d'un réduit. Et Sardonica me mit face aux autres réunis en cercle autour de l'autel. La lueur des cierges faisait ressortir leurs faces blanches et lugubres.

 

Elle fit une sorte de discours : la résonance des voutes donnait un plus grand pouvoir encore aux sons de sa voix et me terrorisait.

 

Elle me présenta au demi-cercle noir et déclara que j'avais bien secondé le Grand Prince Noir jusqu'à présent en différentes occasions, que je faisais partie de ses officiers, mais qu'aujourdtui j'allais entrer dans le clergé secrêt de ceux qui participent à son culte et communient avec son esprit. Passer du matériel au spirituel en quelque sorte.

 

Sardonica me fit agenouiller devant elle, baiser son sceptre représentant une patte griffue de panthère et jurer trois fois que je lui obéirais fidèlementen toutes occasions, ainsí qu'à Satan; pour sa plus grande gloire.

 

 

Je jurais ce que l'on voulut comme dans un état second, n'ayant plus aucune force pour résister, mais me rendant cependant très bien compte de ce que je faisais.

 

« Mes frères » interrogea Sardonica «désirez vous du frère Dimitri en votre glorieuse Société ? »

 

« - Oui, nous le voulons ! »

 

« - Croyez-vous que 1e frère Dímitrl servira bien notre Eglíse des Témèbres, fidèlement et en tous lieux ? »  

« - Oui, nous le croyons ? » 

 

Elle me posa les mains sur les épaules, me regardant droit dans les yeux de son regard insoutenable.  « Je te déclare entré dans le clergé de Satan. Tâche d'en être digne. »

Et elle me donna l'accolade en m'embrassant. Je me relevai et tout le monde entonna 1e chant à 1a gloire de Satan, divin Maître de l'Obscur et des Ténèbres.

 

Je me trouvais donc moí - Pretre de Dieu -à être passé dans le camp des forces du Mal, et, sans grande résistance... C'était difficile à croire, et tout ceci pour l'amour de Sardonica et peut-être aussi poussé  par mon orgeuil et ma volonté de domination sur les autres.

 

Et nous retournâmes en procession, en chantant, à nos demeures respectives, les gens semblant prendre bien garde à ne point se montrer. Alors que j'arrivais chez moí, Sardonica me murmura à l'oreille: « Je compte faire de toi le Grand Evêque Noir, celui qui commandera à l’ensemble de mon clergé. »

 

J'étais tout abasourdi par cette révélation, moi qui n'avais jamais su exactement jusqu'alors quels étaient lez desseins de Sardonica à mon égard.

 

Et je compris pourquoi elle m’avait choisi dès le séminaire avec tant de soins. Le Grand évêque noir; chef spirituel du clergé infernal....

 

Cette nuit là, je m'endormis avec un sommeil lourd et peuplé de rêves.

 

Je me voyais sur un trône d'or en évêque noir, tantôt faisant des chose extraordinaires, et tantôt endurant de grandes souffrances.

 

(A suivre)

 

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SARDONICA (15)

 

Bientôt une lueur s'alluma dans sa chambre. J'imaginai, et en souffrait atrocement, ce qui devait se passer : les corps nus luttant sur le sol jonché de peaux de panthères, les cris et les caresses, les douces tortures du sexe. J'entendais tout cela à distance à ma grande douleur, curieusement, comme si je me trouvais dans la pièce.

 

Les lumières s'éteignirent. Sardonica apparut à une fenêtre. La noire silhouette du jeune homme passa une porte dérobée. Sardonica, comme je m'y attendais, fit un signe impérieux de sa main. L'un des deux archers sortit de l'ombre et d'une seule flèche abattit le jeune home. Celui-ci ne poussa pas un cri et tomba d'un coup. Ses amis de la troupe, dissimulés sous un porche l'entourèrent bientôt comme une bande d'oiseaux éplorés.

 

Je retournai à la fête. Les baladins saluaient avant de se retirer. Ils emportèrent plus de quolibets que d’applaudissements.

 

Sardonica fut bientôt de retour, un peu plus animée peut-être et le rouge aux joue. Elle reprit sa place, gratta mes cheveux alors drus comme jeunes herbes et porta sa jambe contre mon corps. J'était ravi, quoique désolé par ce qu'il venait de se passer , de ce que j’avais encore une petite place dans ion coeur ; comme un jeune chiot qui se contente d'une caresse.

 

Le maître des cérémonies annonça enfin le dernier spectacle, qui sur le parchemin énonçant le programme était simplement appelé ainsi. Mais i1 courait des bruits à la Cour qu'il se préparait quelque chose de très particulier. Aussi tout le monde ouvrait-il  grand ses yeux et ses oreilles.

 

Le maître de cérémonies fit enlever les vastes tentures qui couvraient l'un des côtés de la pièce, faisant apparaître la paroi nue. Ce fut un cri de stupéfaction poussé en même temps par des centaines de gorge.

 

Dans cette paroi une très vaste plaque transparente laissait voir un univers marin entièrement reconstitué et éclairé de l'intérieur d'une vive clarté qui rendait les eaux d'une belle couleur bleue-verte et les remplissait de chatoyantes vibrations lumineuses.

 

Tout y était présent les rochers avec les anfractuosités pleine d'ombres, les algues, les coquillages et des poissons de tailles variées dont certains extraordinaires de couleurs et de formes. Sur le fond reposait une couche de cailloux et de sable.

 

Tout à coup, par un trou du rocher, entra un jeune homme icroyab1ement bien proportionner pour l'eau et s'y déplaçant ainsi qu'un dauphin. Ses pieds étaient munis de nageoires artificielles qui accéléraient sa course. Un grand couteau était accroché à un anneau de sa ceinture.

 

Avec grâce il fit deux ou trois tours comme pour se faire admirer. De temps en temps i1 s'approchait d'un des tuyaux qui pendait dans l'élément liquide, prenait une inspiration qui gonflait sa poitrine et poursuivait sa course vive. En effet il ne pouvait remonter pour respirer à l'air libre; 1a surface était rendue inaccessible par 1a voûte.

 

« Ce garçon appartient à une population de pêcheurs d'éponges de 1'í1e de Kost » me souffla quelqu'un, « i1 est habitué depuis son plus jeune âge à passer une bonne partie de sa vie dans la mer. ».

 

Je me demandais 1a signification de ce que je voyais, lorsque surgit un énorme poisson dont 1a tête était ornée d'une sorte de défense en forme d'épée.

 

Le nageur parut saisi par la vision de ce bizarre adversaire. Le poisson tourna plusieurs fois avec de vifs mouvements. Enfin i1 découvrit l'ennemi et arrêta brusquement ses évolutions. I1 1e mesura de son oeil glauques puis soudainement i1 fonça sur lui. Mais l'autre l'évita en se jetant souplement de côté. L'attaquant surpris, se retourna sur lui-même et fonça de nouveau, tel un taureau aquatique,

 

Le jeune homme esquiva encore, mais apparemment avec plus de peine et i1 se précipita à l'une des sources d'air…il semblait se mettre à étouffer.

 

Et 1a sauvage parade continua.

 

Soudainemeut le gladiateur nautique, alors que le poisson de combat passait juste à côté de lui, avec soa poignard lui perça 1a peau. Bíentőt 1e sang se répandit en nappes pourpres.

 

Cette estocade trop mal ajustée pour tuer 1a bête eut pour effet de la rendre furieuse. Elle donna un violent coup de queue à son protagonisme qui se trouva ainsi déséquilibré. L'animal se retourna presque sur place et chargea avec une redoutable précísion. Cette fois 1e garçon fut gravement blessé. Puis ce tt une horrible boucheríe. Le bassin devint complètement rouge.

 

 

Ah ! I1 fallait voir l'air de Sardonica se délectant durant toute 1a scène, avec ses yeux qui luisaient et sa mine réjouie qui frémissait.

 

Le rideau tomba à l'instant où l'on ne pouvait plus distinuer ni 1e poisson, ni 1e jeune homme, tran formés en chairs sanguinolantes par leurs assauts réciproques.

 

Je fuyai dans ma chambre, sous 1'oeil un peu triste, de me voir 1e coeur gros comme un enfant, de Sardonica.

 

 

 

 

SARDONICA ou la femme-panthére (k 15 )

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Sardonica (13.1)

 

Puis ma vie continua avec ses activités païennes, les jours ressemblant aux jours chasses, jeux de cartes, cabarets et la poursuite de mes amours heureux quoique fragiles avec Sonia. Bien sûr je continuais de remplir le rôle de secrétaire de Sardonica.

 

Je pouvais croire que comparativement à ma vie de moine d’autrefois j'étais un homme heureux.

 

C'est curieux, mais sur la mer assez  floue de ma mémoire, après tout de temps, des événements saillants surgissent cependant. Ils saut comme des vaisseaux aux: voiles d'or, poussés par des alizés parfumés, apparaissant à l'horizon pour se rapprocher peu à peu.

 

Par exemple je revois la fête que Sardonica fit donner pour l'anniversaire de sa naissance. Jamais je ne vis ni n'entendis parler de pareille fête, excepté peut-être dans les contes les plus fantastiques.

 

Deux messagers de la Comtesse, s'annonçant à sons de trompettes, vinrent spécialement pour m'inviter. Ils étaient porteurs d'un parchemin munis de rubans et du sceau sur lequel figurait la fameuse panthère stylisée qui ricanait férocement. Le texte précisait la date de l'anniversaire mais, est-il besoin de l'écrire, ni la date de naissance, ni l'âge de Sardonica.

 

Le soir venu, je revêtis mes plus beaux habits, superbement ajustés, faits du drap de la meilleure qualité qu'il fut possible d'imaginer. Je me faisais confectionner mes costumes par le Premier tailleur du Comté. Il éprouvait pour moi une sorte d'affection, pensant que mon jeune corps était le plus beau modèle sur lequel  son Art de dentelles et d'étoffes pouvait s'épanouir. Il se réjouissait aussi à l'idée que ma personne circulant dans le Palais était la vivante incarnation de son talent.

 

Et je me rendis aux réjouissances.

 

Que l'on excuse d'un vieux moine la fatuité alors que sue peau n'est plus que la peau d'une vieille bote qui sent l'approche de la mort, et qui se revoit tel qu'il était alors,, splendide et fringuant, le sang pulsant à jets puissants sous la peau, et désirant mordre la vie à pleines dents. A pleines dents. Je n'ai plus aujourd'hui de dents et ne saurais plus mordre ni dans viande, ni dans fruits, ni dans chairs exquises de femme.

 

Je m’imagine encore montant, troublé et fier les marches du grand escalier. Des gardes disséminés partout croisaient les lames à mon passage comme à celui d'un haut dignitaire, que j'étais d'ailleurs réellement.

 

Et à l'extrémité de la longue salle de marbre que je devais traverser de bout en bout:

 

SARDONICA !

 

Sardonica la magnifique sise sur un siège d'Or décoré de panthères, comme son blason, avec à ses pieds huit magnifiques panthères s'étirant langoureusement, en faisant luire leurs crocs saillants. Elles vinrent me faire fête.

 

Sardonica rayonnait superbement enveloppée dans sa robe chatoyante et sauvage. Cette robe découvrait ses bras nus et ses cuisses admirables qui comportaient par derrière des muscles saillants et tentateurs.

Ses pieds effilés étaient chaussés de fins escarpins revêtus d'une feuille d'or. Son regard comme sorti d'un pierre précieuse verdâtre ou d'une eau profonde pénétrait jusqu'à vous par touches successives. D'une simple indication de ce regard et d'un léger geste du menton elle m'indiquait que je devais m'assoir à ses côtés, à ses pieds plutôt, sur un fin pouf posé là sans doute à dessein. Et le tombai plutôt que je ne m'assis, le nez et la bouche presque sur ses jambes, ce dont elle devais se douter. Je pouvais en respirer le parfum sourdrant de la peau.

 

De temps à autre elle jetait vers moi un coup d'oeil ardent et amical qui me ravissait d'aise. Que n'aurais-je fait pour ses yeux impérieux qui me laissaient sans aucune force de résistance ?

 

Un à un vinrent la saluer et en même temps me saluer leu dirigeants du régime. Le maréchal des armées dans son indescriptible uniforme chamarré, pleine de plumes et de dentelles; le Président de la Justice, en réalité simple intermédiaire entre la Comtesse et le Bourreau. Le Chef de la Garde Personnelle qui s'assit à peu de distance, s’assurant  immédiatement que tous ses hommes étaient en place. Le Chef de la Police avec l'air sournois et soupçonneux, surveillant tout le monde dans le royaume, et à ce qu'il parait fort doué pour extraire grâce à des tortures nombreuses et variées une foule de renseignements d'un accusé par nature pou communicatif.

 

On racontait des choses horribles sur certaines salles basses situées dans les locaux de la police, avec accrochés aux murs leurs outils barbares qui servaient à griffer,à arracher, à stranguler...

 

Puis vinrent plusieurs chefs aux armées avec leurs différentes tenues et insignes suivant les corps plus ou moins renommés auxquels ils appartenaient. Le rituel était immuable: ils s'agenouillaient profondément;: Sardonica inclinait sa tête splendide faisant luire sa chevelure dorée, avec parfois un petit sourire plus on moins appuyé selon que l'intéressé était plus ou moins bien en cour.

 

Ces degrés divers de considération étaient aussitôt commentés par les spectateurs et appréciés par ceux qui les recevaient avec une très grande précision..

 

 

 

…/…

 

 

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Sardonica frappa à la petite porte adossée à la paroi en se servant d'un lourd marteau représentant une tête de panthère. Un trou noir s'ouvrit dans l'oeil de l'animal et quelqu'un regarda au travers. " Qni va là ? " cria une voix.

 

- « Ta maîtresse, la Comtesse Sardonica " répliqua le chef des gardes.

 

Et la porte s'ouvrit lourdement comme si on allait entrer dans la gueule des enfers. Aussitôt une bouffée d'âcres puanteurs vous envahissait la gorge. Ça et là, réverbérées par des métaux luisants et des verres bizarres, d'étranges lueurs sourdraient. Une crainte étrange vous gagnait, la crainte des choses dont on prescient l'existence mais que l'on ne désire pas connaître.

 

Une secrète jubilation semblait animer le visage de la Comtesse qui me parut soudain les traits découpés par la lueur d'un fanal. Et la lumière fit jouer les éclats de ses yeux comme ceux d'une pierre translucide.

 

Elle posa sa main sur la mienne et m'enfonça légèrement ses ongles dans ma chair, elle me chuchota à l’oreille, tandis que je sentais son souffle sur moi : « Tu as peur, hein,? »

 

En effet j'étais glacé et je me mis à frissonner. C'est presque la pression de sa main et le poids de son corps qui m'obligèrent à entrer. Seul, je crois que j'aurais fui.

 

Les savants, leur chef à leur tête, vêtus de noir et la tête couverte d'un curieux petit chapeau noir se précipitèrent à notre rencontre, empressés et vils.

 

Ils firent mille courbettes à Sardonica. Ils baisèrent même le rebord de sa jupe.

 

Elle leur répondit aimablement, mais avec une certaine hauteur cependant. Elle leur déclara qu'elle attachait un grand poids à leur aide pour le triomphe de sa cause et l'extension de son Empire.

 

Le chef des savants, qui se nommait « Primus », m'avait pris affectueusement le bras. Il me parlait à l'oreille en me soufflant son haleine fétide dans le nez. I1 m'expliquait les beautés de la Science et les jouissances que l'on tire de ses découvertes. Il louait que Sardonica eut consacré des sommes importantes dans le passé pour leurs travaux. Il ajouta qu'elle avait été payée au centuple, sans me préciser pourquoi. A son air entendu, je devinai qu'il y avait là quelque mystère.

 

Nous suivions des dédales de salles, remplies d'instruments bizarres, et de feux qui rougeoyaient. Il semblait exister une hiérarchie dans les personnes que nous rencontrions. D'abord les savants, avec leurs chapeaux pointus et leur air sournois, ensuite leurs aides à la tenue plus commune de gros drap gris, et enfin à demi couverts de haillons, surveillée du coin de l'oeil, ce qui semblait être des esclaves. Ils traînaient un lourd boulet attaché à une chaîne qui enserrait leur cheville. Ils avaient l'air résigné et misérable tout à la fois.

 

" Qui sont-ils, Comtesse ? " demandais-je.

- « Ce sont des captifs que nous ramenons de nos expéditions en terres lointaines et que nous réduisons en esclavage. » me répondit-elle d'un ton banal. « Nous en avons ici plusieurs centaines ; ils servent à tous les travaux. D'autres sont utilisés dans les mines de sel et du " minerai rayonnant ».

 

Toutes sortes d'animaux servaient aux expériences. D'immondes rats aux yeux brillants. «  Ils sont extrêmement intelligents » me fit remarquer mon guide, «  et douer d’une énorme faculté d’adaptation. Ils survivront  à l’homme et deviendront les maîtres de la planète » ajouta-t-il sérieusement. Oiseaux de toutes couleurs et de toutes formes ; ours lourdauds. Et singes d'une espèce particulière.

 

- « C'est l'animal le plus proche de l'homme, c'est pourquoi nous l'utilisons beaucoup. Ce qui s'applique à lui s'applique à nous la plupart du temps. »

 

Effectivement j'observai sur des rochers grisâtres une famille de gros singes. Dans la façon dont le père tenait son enfant je reconnus une attitude profondément humaine. C'était saisissant !

 

" Nous n'avons encore pas vu le plus étrange et le plus secret " mie dit Sardonica.

 

Nous descendîmes par un escalier dans les profondeurs. J'appris alors que sous la Cité des Savants existait une véritable ville souterraine avec des kilomètres de galeries qui lui servaient de rues. Dans ces rues circulaient des chariots poussés par des hordes d'esclaves surveillés par des gardes aux aguets. Nous empruntâmes l'un de ces véhicules.

 

" Nous visiterons la caverne de l'Or d'abord " me susurra le chef des savants, comme si il avait été une jeune fille et moi son promis.

 

Le tunnel déboucha sur une très vaste grotte où l'on conduisait par des galeries des charrettes chargées d'un métal très lourd.

« - Qu'apportent-ils ? »  Demandais-je.

 - « Du plomb ! » me répliqua tout heureux Primus

 – « Du plomb ? Pourquoi, Ici Dieu ? »

- « Oh cette impatience et cette pétulance de la jeunesse ! » constata Sardonica en riant, et se tournant vers nous : « tu as le temps d'apprendre, tu me saurais tout engranger à la fois! » ajouta-t-elle.

 

« Je vais vous expliquer » poursuivit Primus.

« Enfin vous allez comprendre vous-même. »

 

Et il me conduisit au pied d'une gigantesque machine. A l'extrémité de celle-ci an introduisait des plaques de plomb. Elles étaient aussitôt happées par une effrayante succion. Les dents invisibles du monstre les broyaient. Puis cet aliment passait au travers d'un dédale compliqué de tuyaux, traversait des feux violents, débouchait dans de vastes cuvettes, se mélangeait intimement à des terres de diverses couleurs. I1 était maintenant en fusion et continuait son interminable chemin le long duquel il était soumis à toutes sortes d'actions avant d'aboutir à une énorme bulle transparente. Il y bouillonnait avec des tourbillons infernaux. De cette bulle surgissait un serpent ondulé, trempant dans une eau qui courait, de la gueule duquel coulait un mince filet de métal continu de métal en fusion dans un récipient.

 

SARDONICA ou la femme panthère (k 11 - 1 )

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Le lendemain matin, alors que j'étais encore tout abasourdi par les révélations de Sonia, Sardonica m'apparut dans une particulière exaltation. Elle me frôla les cheveux et les épaules doucement avec ses mains tout en me regardant d'un air érotique.

 

« Tu me plais !: » " dit-elle tandis due le rougissais crûment comme une jeune fille.

 

« Un teint clair, des cheveux comme de la soie, des dents fines, un corps souple et délié. Il faudra qu'un soir nous ayons quelques explications... » J'étais stupéfait. Quoi pareille personne s'intéresse à moi et me parle si directement ! J'avais oublié que c'était Satan, ange de la perversion qui s'adressait moi. C'était vrai que toutes les préventions que je pouvais avoir contre elle disparaissaient en sa présence.

 

« Car je t'apprendrai à dire une autre messe que celle que les pères du séminaire t'ont enseignée, qui vaut matines et vêpres et qui fait chanter une autre chanson » ajouta-t-elle.

 

 

J'étais très ému et embarrassé. Je ne pus que lui répondre en bredouillant, que nous avions une lourde tache, par exemple que les émissaires avaient apporté un abondant courrier qu'il fallait dépouiller et auquel il fallait répondre de toute urgence.

 

A ma profonde surprise, son expression changea tout aussitôt, comme si quelque force interne s'emparait d'elle. « Oui nous ne devons pas oublier ce que nous avons à faire sur cette terre et quel est notre destin. Nous devons nous employer à déjouer Les plans de nos adversaires ; les ennemis du Grand Prince des Ténèbres, et les défaire. Tu fais bien moine de me rappeler à mon rôle alors que je me comporte comme une sotte femelle en chaleur dont le désir frénétique d'amour obscurcit le jugement. »

 

 

Et parcourant la pièce de long en large, martelant le sol, tantôt elle écoutait la lecture des pièces que je faisais, tantôt elle me dictait avec un débit haché ses réponses et ses ordres.

 

Ma plume courait sur le parchemin avec facilité comme si ma main, n'était que sa main auquel son esprit imposait le mouvement. Et le pouvais ainsi écrire des heures sans aucune fatigue et sans la moindre erreur. Plus même il m'arrivait parfois d'avoir comme une transmission de sa pensée et d'écrire directement des mots qu'elle ne prononçait pas. Jamais je ne la vis, si par accident elle relisait la lettre, modifier de quelque façons que ce fut cette partie du texte.

 

Par instants j'avais l'impression qu'elle prenait possession de mon esprit à mon insu et que je ne devenais que son bras et que bientôt je ne pourrais échapper à son emprise totale. Elle serait en moi et je serais elle. Prêt à tout. Je serais devenu la bête immonde, la créature de Satan, le Prince Infernal.

 

 

L'esprit froid et méthodique de Sardonica avait complètement repris le dessus sur sa sauvage animalité et c'est avec un style glacé et une analyse impeccable de logique et de cynisme qu'elle rédigea pour le Prince d'Orféo une lettre l'invitant à lui, restituer les terres de la Baronnie de Stabilian.

 

Des chartristes besogneux, se basant sur de vieux grimoires Précieusement conservée, avaient tenté de prouver par des chemins obscurs et tortueux que cet héritage était sien.

 

Certes elle eut pu dire : « Je veux prendre... » plutôt que de se lancer dans cette argumentation foireuse. Mais elle tenait à donner cependant cette apparence de légalité pour permettre aux seigneurs voisins du Prinde d'Orféo de rester passifs en feignant de croire qu'elle était dans son bon droit. Le Droit n'est souvent que l'apparence de la justice.

 

« - Et si le Prince ne vous donnait pas la terre ? » 

« - Eh bien, il aurait la guerre. Une guerre totale et sans quartiers, petit clerc ! Une guerre dont il ne se relèvera pas et qui ne laissera que cendres et cadavres. Je le jure, foi de Sardonica »

 

Et elle cracha vilainement au sol en tapant du pied.

 

Elle était vraiment horrible à voir. Sa réalité intérieure ressortait alors sur ses traits qui se crispaient et devenaient hideux comme les gargouilles des cathédrales. On voyait qu'il s'agissait d'une très vieille créature pleine d'une expérience mauvaise, sans la moindre once de sensibilité humaine.

 

«  Il faut cependant faire traîner les choses en longueur, car nous ne sommes pas entièrement prête. Nous devons accélérer le recrutement et l'entraînement de nos jeunes soldats, forcer l'allure de nos ateliers qui travaillent le fer et le cuir. Nous allons faire savoir au Prince que quoique nous soyons dans notre bon droit nous nous rangeons à certaines de ses vues et que nous désirons lui faire d'ici quelque temps une aimable visite de courtoisie pour son anniversaire et discuter avec lui de ces choses. Il préparera ses orchestres et ses bals. Nous amènerons les nôtres et nous verrons bien qui possède les meilleurs danseurs ! .... »

 

Ecrit, clerc, écrit ! Nous serions très honorés  si vous vouliez bien consentir à ce que ... Je le vois baver de désir d'ici.... »

 

Je ne pouvais m'empêcher d'admirer, Dieu me pardonne, ce génie au service d'une abominable cause. De plus en plus je sentais qu'i1 viendrait le temps où il ne serait plus possible de changer de voie. Je le savais et je l'acceptais. Tout plutôt que de quitter cet être délicieux et abominable auprès duquel je goûtais des délectations morbides -!

 

J'avais tant envie de fondre à elle, de me frotter à sa peau aux senteurs sauvages et excitantes tout à la fois, pour éprouver l'amour absolu et diabolique, ainsi que l'on pressentit les alchimistes, les poètes et les fous.

 

 

 

(A suivre)

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Le Téméraire (8)

LE RETOUR

A peine Julien et Isabella furent-t-ils monté à bord que le « Téméraire » apparell1a. Aussitôt la brise se leva emporta hors de la rade.

 

Julien avait fait parer sa cabine des plus beaux tapis d’Orient qu'il avait pût trouver dans les cavernes d'Ali-Baba de la Piraterie et garnir son lit des draps de soie les plus doux. Il avait aussi fait pulvériser un envoûtant  parfum  d'Arabie. Il demanda qu’on lui apportât biscuits, viandes séchées et vins fins, comme, si il avait l'intention de tenir un siège en règle. Puis il ordonna qu’on ne le dérangeât plus. Dès cet instant seule la compagnie d'Isabella présentait pour lui quelqu’un intérêt et il ne s'occupa absolument plus de la marche du navire, lui , dont la navigation était la vie jusqu'alors.

 

Lorsqu'il pénétra dans la cabine, quelques instant après ,elle, il la  trouva entièrement dévêtue, allongées sur un            tapis au sol, splendide dans sa nudité et bien que troublée, elle lui déclara le plus tranquillement  du monde avec la pointe de sa langue qui passait sur ses dents : " Je        toute à toi "-reprenant les termes de la missive qu' elle lui avait fait parvenir  par l'intermédiaire du pigeon.

 

Et il c'était précipité vers elle, le feu de son corps étant plus encore plus fort que le désir de son esprit de se fondre à elle et de rejoindre celle qui lui était destinée.

 

Bientôt un vent puissant qui ne devait pas cesser pendant ce jour et cette nuit durant lesquels Julien et Isabella furent à bord du " Téméraire " se mit à souffler entraînant aussi le navire à une vitesse considérable, extraordinaire même, fendant les flots comme un épervier fend l'air et parcourant des distances incroyables à l’entendement de tout marin.

 

Tout chez Isabella lui paraissait  exquis  et l'agréable son  de sa            voix le charmait  sans qu'il puisse s'en lasser. Tous les évènements de sa vie même les plus insignifiants apparemment  1'interessaiént. Ce fut comme si elle eût vécut jusqu’ à ce jour vécut sur une autre planète et qu’elle fut  entré en contact avec lui.

 

Les réceptions et les fêtes de cette société raffinée et brutale ensemble l'intriguaient fort. Et il imaginait avec délices Isabella évoluant avec grâce et malaise tout la fois dans les sa1ons garnis de fauteuils et de candélabres dorés avec des valets en livrée. Ses mimiques l' amusaient fort aussi 1orsu' elle imitait à ravir la démarche de quelque marquis claudiquant ou contrefaisait la voix de quelque comtesse zozotante et un peu dingue.

 

Parfois aussi elle tentait  perfidement de le rendre jaloux de sa vie passée, et d'essayer sur lui ses jeunes griffes en lui narrant les succès amoureux qu'elle avait eu          dans les bals.

 

Elle lui parla surtout d'un de ses cousins qui la courtisait fort et dont le charme ne lui était point tout à fait indifférent. Mais elle lui parla aussi de tous les autres hommes sur lesquels 1e magnétisme de ses yeux et sa très grande beauté exerçaient de profonds attraits.

 

 

Le temps passait à ces discussions, à jouer aux échecs où ils excellaient  tout deux, à grignoter quelques fruit, à boire un peu de vin des Isle paré parait-il de vertus aphrodisiaques  et aux caresses de l'amour auxquelles Isabelle faisait preuve d'une grande application. Entrée novice le matin au couvent de Cupidon, elle eût put le soir en être nommée supérieure      tant ses progrès en théologie amoureuse était considérable.

 

Sur le dont, les marins terrifiés étaient témoins de scènes incroyables. Une force supérieure semblait avoir pris la destiné du vaisseau entre ses mains et le mener au but qu’elle s’était fixée. Le timonier tenait impuissant la roue du gouvernail la route était déjà tracée.

 

 

Le " Téméraire " creusait dans les eaux dominées un sillon formidable, comme une gigantesque charrue. Ils regardèrent stupéfaits dans la matinée le vaisseau frôler des côtes où ils virent des lions rugissants au soleil, pour vers le soir rencontrer les froids glacés et les immenses icebergs...

 

A suivre …

 

 

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Published by Stéphane Dubois - zombies, Auteur, LITTERATURE, Nouvelles, Fantastique, Horreur, Héroic Fantasy

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