Le Huitième Registre
1. Le Silène assassiné
Une œuvre magistrale d'Alain Bergeron,
L’un de plus grands orfèvres de l'imaginaire au Québec !
Dans un monde flirtant avec le steampunk, Le Huitième Registre propose un univers qui aurait évolué différemment si la chute de Constantinople n'avait pas eu lieu en 1453.
Un grand roman de science-fiction uchronique en deux tomes.
En librairie.
Providence (Arkadie), Saint-Empire roman byzantin, 2015...
André Antonikas, sémiologue aux mœurs dépravées, a bénéficié d'une clémence certaine à la suite d'un énorme scandale. En réalité, des gens haut placés ont convaincu la cour que sa réclusion à domicile était préférable à l'emprisonnement. Est-ce en raison des analyses historiosophiques qu'Andronikas produit dans son manoir depuis des années ? Cette science, honnie dans le Saint-Empire depuis des décennies, étudie les niveaux d'implication d'événements ciblés sur la création de réalités alternatives, et s'oppose au monochronisme de l'Église qui stipule que tout a été prévu et voulu par Dieu depuis le début de la Création.
Un soir où les conditions sont parfaites pour que Léon Gaïus Mellior, son jeune assistant, installe les capte-foudre, seul dispositif capable de fournir l'énergie nécessaire au fonctionnement du controversé huitième registre de son orgue à traitement de signes, Antonikas est brutalement assassiné. Essir Labinien Estradice, premier préfet de la Cité de Providence, conclut aussitôt à la culpabilité de Léon Gaïus. Or, Siméon Monocrate, grand inquisiteur mandaté par la Curie pontificale de Rome, croit l'affaire plus complexe.
De fait, pendant sa traversée de l'Atlas en compagnie de son assistant, le frère Calixte, Siméon a lu les Souvenirs et Confessions de magister André Antonikas, ouvrage dans lequel le sémiologue assassiné relate un meurtre survenu dans des circonstances très similaires à celles qui lui ont coûté la vie. Or, ce meurtre s'est produit vingt ans plus tôt pendant le premier synode sur l'historiosophie, tenu au monastère de Mont-Boréal, en Galactée. Et Monocrate n'en démord pas : ces ressemblances ne peuvent être des coïncidences... et il entend bien le prouver !
Votre roman, Le Huitième Registre, est ce qu’on appelle une uchronie. Quelle est donc l’origine de ce projet ?
Il y a une trentaine d’années, j’ai publié dans Solaris une nouvelle qui portait ce titre. Je m’intéressais alors beaucoup à l’Empire romain d’orient (que l’on appelle à tort « Empire byzantin ») et l’idée m’est
venue d’imaginer dans quelles conditions historiques une puissance politique de cette importance, disparue en 1453, pourrait s’être maintenue jusqu’à nos jours. La nouvelle a connu un certain succès et elle a été reprise dans plusieurs anthologies, en français et en anglais. J’ai eu très tôt l’idée d’en développer l’univers pour un roman, mais ce n’est qu’au cours des dix dernières années que j’ai pu m’y consacrer sérieusement.
Pourquoi cet intérêt pour l’Empire romain d’orient ?
Pour différentes raisons. L’histoire, celle du Moyen Âge en particulier, a toujours été l’une de mes passions (avec la science et la musique). Or je m’étais aperçu que notre connaissance de cette période
est en général très centrée sur l’Europe. L’on a tendance à sous-estimer l’Empire romain d’orient et sa glorieuse capitale, Constantinople, qui ont pourtant joué un rôle déterminant entre les royaumes occidentaux et le monde arabe, mais aussi en tant que principal héritier des grandes civilisations grecque et romaine de l’Antiquité. Je me suis d’ailleurs rendu compte que plusieurs auteurs de science-fiction, Asimov ou Frank Herbert par exemple, semblaient s’en être inspirés pour façonner leurs propres empires.
Ce point de départ a dû vous obliger à reconstruire l’histoire de façon significative.
Soyons clair : mon roman se situe à notre époque (en l’an 2015 principalement) mais dans une autre réalité historique que la nôtre, une réalité où le développement culturel, scientifique et technologique, par exemple, auraient souvent pris des orientations différentes. Il m’a donc fallu imaginer un environnement constitué d’éléments à la fois familiers et divergents.
L’ordre politique mondial ne ressemble aucunement à celui que nous connaissons et plusieurs des progrès que nous prenons un peu pour acquis sur le plan politique ou social (la démocratie, par exemple) n’ont pas eu la chance d’émerger. En l’absence d’obstacles au commerce international du côté de l’est, un événement historique comme la découverte de l’Amérique n’a pas eu lieu avant 1809. Si la très grande majorité des êtres humains vivent dans des sociétés autoritaires, traditionalistes, de type patriarcal et fortement religieuses, rappelons que c’est aussi le cas d’une bonne partie de l’humanité dans notre monde à nous ! Ceci dit, l’on peut trouver dans Le Huitième Registre des courants de revendications sociales et politiques, même s’ils sont plus ou moins clandestins et fortement réprimés. La condition féminine n’est pas en reste non plus car il existe un mouvement que l’on pourrait bel et bien qualifier de « féministe ».
Ce monde qui est au final assez arriéré sur bien des plans a tout de même inventé l’ordinateur dès le 16e siècle, non ?
Disons qu’une sorte d’ordinateur mécanique sophistiqué que l’on appelle « l’orgue à traitement de signes » a pu voir le jour à cette époque. (C’est le côté un peu steampunk du roman). L’orgue, qui est devenu de plus en plus performant avec le temps, fonctionne à l’aide de différents « registres », qui sont autant de configurations particulières des rouages internes de la machine qui sont destinées à répondre chacune à un usage spécialisé. Le huitième de ces registres, celui de l’historiosophie, est celui qui donne son titre au roman.
Qu’est-ce donc que l’historiosophie ?
On en trouve plusieurs définitions dans le texte, assez savantes la plupart du temps. Pour faire simple, je dirais que c’est l’étude mathématique des relations de causes à effets en histoire. Il s’agit d’une science assez controversée puisqu’elle permet, en modifiant les paramètres, de construire des réalités alternatives possibles, donc d’imaginer d’autres mondes.
L’historiosophie s’oppose d’ailleurs à la vision prédominante qui prétend que l’histoire du monde fut entièrement prédéterminée dès le premier instant de la Création…
Et sur l’intrigue du roman, que pouvez-vous nous dire ?
Bien sûr, le monde uchronique que je dépeins sert avant tout de toile de fond à plusieurs intrigues. La plus grande partie du premier volume, par exemple, raconte une authentique enquête de type policier. L’on tente de résoudre un meurtre assez mystérieux, très semblable à un autre meurtre qui s’était produit une vingtaine d’années plus tôt et pour lequel le coupable avait été exécuté. En plus, les personnages principaux se retrouvent bientôt mêlés malgré eux à des conflits politiques et militaires majeurs qui leur font risquer leur vie à plusieurs occasions.
D’ailleurs, plusieurs se posent aussi des questions sur le monde dans lequel ils vivent et sur ce que ce monde aurait pu être si les circonstances historiques avaient été différentes… Leurs recherches de réponses occupent une bonne part des péripéties.
Pour quelle raison faites-vous comme si votre roman était la traduction d’un ouvrage écrit dans une autre langue ?
Disons qu’il convient de distinguer quatre « niveaux » d’auteurs dans Le Huitième Registre. Le premier niveau, c’est le mien, celui du créateur de l’ouvrage dans son entier, de la première à la dernière page. Au deuxième niveau, apparaît un traducteur qui est en fait le premier personnage du roman à apparaître et qui s’adresse directement au lecteur dans une préface. Ce traducteur qui porte lui aussi le nom d’Alain Bergeron mais qui appartient à un monde légèrement différent du nôtre, explique avoir traduit et adapté un roman intitulé Le Huitième Registre, composé au départ dans une langue appelée le byzantin littéraire moderne.
Au troisième niveau, il y a l’auteur originel du texte traduit, une personne qui semble avoir choisi de demeurer anonyme pour l’on ne sait exactement quelle raison, mais qui pourrait bien être l’un des protagonistes de l’histoire qu’il raconte.
Enfin, au quatrième niveau, l’on trouve un historiosophe appelé André Antonikas, personnage hautement controversé, dont un texte autobiographique, Souvenirs et Confessions, semble avoir été intégralement reproduit par l’auteur originel du roman dans la première partie de son ouvrage…
Alain Bergeron, merci !